POLI-APP

Politiques numériques des applications de visite patrimoniale : processus de décision, stratégies communicationnelles et jeux d’acteurs (2019-2020)

 

Coordination scientifique
Lise RENAUD (Avignon Université, Centre Norbert Elias (UMR 8562))

Équipe de recherche
Science politique : Guillaume MARREL, Ouassim HAMZAOUI (LBNC)
Sciences de l’information et de la communication : ISABELLE BRIANSO, Julie DERAMOND, Brigitte JUANALS, Nolwenn PIANEZZA, Lise RENAUD, Eric TRIQUET (CNE)
Histoire : Simone BALOSSINO, Guido CASTELNUOVO, Paul PAYAN (CIHAM)

Laboratoires associés
Centre Norbert Elias (UMR 8562) – LBNC (EA 3788) – CIHAM (UMR 5648) – Partenariat expertise ELICO (EA 4147)

Financement
Fédération de recherche Agorantic «culture, patrimoines, societes numeriques » (appel a projets 2019).

 

Présentation

Le  projet  POLI-APP appréhende l’essor des  applications mobiles de visite patrimoniale à partir d’un questionnement sur les politiques numériques patrimoniales. Ce projet vise une meilleure compréhension des dynamiques, rôles et motivations des divers acteurs impliqués dans le déploiement d’outils numériques d’aide à l’interprétation patrimoniale (institutions patrimoniales, collectivités territoriales, scientifiques, industriels de la communication).

Ce projet de recherche prend appui sur une analyse pluridisciplinaire du processus de décision, des stratégies communicationnelles et des jeux d’acteurs de deux projets numériques patrimoniaux emblématiques des applications de réalité augmentée : l’Histopad disponible pour la visite du Palais des Papes d’Avignon et de ClunEtour (ex-Cluny-vision) proposée pour la visite de Cluny.

 

Contexte, positionnement et objectifs

Un contexte d’effervescence autour des applications mobiles de visite patrimoniale
Le projet POLI-APP s’inscrit dans un contexte de fort développement depuis une dizaine d’années d’applications numériques d’aide à la visite patrimoniale consultable sur téléphone ou tablette. Cet essor répond à quatre mouvements qui affectent en profondeur le champ patrimonial : la numérisation massive des documents et des données, la diversification des formes de médiation, l’externalisation de leur gestion et l’autonomisation des pratiques culturelles des publics.
Plusieurs acteurs interviennent lors de la conception, la production et le lancement de ces logiciels d’aide à l’interprétation patrimoniale : institutions culturelles mais aussi collectivités territoriales, scientifiques et industriels de la communication (éditeurs, designers et développeurs de contenus). Au-delà de la place stratégique et grandissante acquise par les industries de la communication dans le domaine des médiations patrimoniales, l’ensemble de ces acteurs joue un rôle, plus ou moins visible auprès du grand public, dans la forme prise par ces applications mobiles de visite.
Or, si les recherches en SHS ont jusqu’à présent interrogé les effets de ces dispositifs numériques sur l’expérience des visiteurs ou sur les médiations patrimoniales, les recherches sur leur conception restent encore marginales. En effet, les coulisses de production des applications numériques patrimoniales demeurent “opaques”, alors qu’elles constituent sans doute un terrain particulièrement propice pour en interroger les dynamiques et comprendre les motivations qui sous-tendent la  mise en place de ces outils.
Nous  posons  l’hypothèse  que les projets  numériques de médiation patrimoniale comme les applications mobiles de visite sont tour à tour des outils politiques de gouvernance territoriale, des vitrines pour les industriels en quête de marchés économiques à orientation patrimoniale et des ressources épistémologiques pour les scientifiques (histoire numérique).


Cerner les enjeux, les stratégies et leurs impacts

POLI-APP vise à appréhender à la fois les politiques publiques de ces projets numériques, les stratégies des industriels, des scientifiques et l’espace de décision laissé aux institutions patrimoniales commanditaires et bénéficiaires de tels projets. Le projet questionne plus globalement le développement de politiques numériques patrimoniales et leur impact sur la médiation culturelle et la transmission des savoirs.

  • En premier lieu, l’étude propose dans le cadre d’une sociologie de l’action publique de questionner le contexte en amont des projets : quelles sont les raisons qui président à leur mise en place ? A quels enjeux politiques, identitaires et culturels répondent ces développements ? Dans quel agenda politique et institutionnel s’intègrent-t-ils ? Quels bénéfices politiques les pouvoirs publics peuvent-ils  espérer en retirer ?

  • L’enquête interroge en second lieu les jeux d’acteurs au cours de la réalisation des projets : comment ces projets numériques sont-ils déployés (choix du prestataire, place de l’expertise scientifique et rôle du commanditaire), au regard de quelles  logiques et sous quelles contraintes politiques, financières, culturelles, contextuelles ? Comment sont-ils intégrés et gérés dans les politiques culturelles de plus en plus instrumentales ? Quels sont les objectifs respectifs et intérêts des différents acteurs (industriels vs acteurs publics vs institutions patrimoniales vs scientifiques) et, comment parviennent-ils à s’entendre jusqu’à la production de dispositifs numériques patrimoniaux ?

  • En dernier lieu, l’étude vise à repérer l’impact des modalités de collaboration des acteurs sur les formes prises par les médiations numériques des patrimoines : quelles sont les modalités d’écriture patrimoniale pensées et produites ? En quoi renouvellent-elles ou pas les formes de la médiation patrimoniale ? Quelles représentations du patrimoine sont construites et diffusées au cours de l’élaboration des applications numériques tant dans les discours d’escorte qu’à travers les choix opérés par les parties prenantes sur la médiation finalement offerte aux visiteurs ?

 

Résultats attendus et caractère innovant de la recherche

Deux terrains d’études (sites patrimoniaux) articulés autour de projets numériques pertinents  ont été retenus :

  • Le projet “Histopad” mis à la disposition des visiteurs au Palais des Papes d’Avignon, qui mobilise plusieurs typologies d’acteurs : le site du Palais des Papes (inscrit au patrimoine mondial de l’humanité à l’Unesco), l’entreprise Histovery, la ville d’Avignon et l’association Avignon Tourisme (office du tourisme).
  • Le projet “ClunEtour” (ex-Cluny-vision) mis à la disposition des visiteurs à Cluny, qui mobilise également plusieurs types d’acteurs : le site de l’abbaye Cluny, la Fédération européennes des sites clunisiens (FESC), l’industriel Paztec, le Centre des Monuments Nationaux (CMN), la ville de Cluny et l’Office du tourisme de Cluny.

Le premier terrain a été choisi parce qu’il s’agit d’un dispositif récent (lancement fin 2017), proche géographiquement (Avignon), développé pour un nombre important de visiteurs (près de 700 000 visiteurs par an pour le Palais des Papes) et parce que les historiens de l’équipe POLI-APP maîtrisent le contexte médiéval avignonnais. Le second terrain retenu pour ce projet constitue une référence incontournable pour les professionnels dans le domaine de la médiation numérique des patrimoines. Les sites clunisiens ont de plus obtenu (2005) le label Itinéraires culturels européens du Conseil de l’Europe (2005) et le FESC envisage une candidature européenne (7 pays, biens culturels en série) auprès de l’Unesco pour faire inscrire “Cluny et les sites clunisiens”. Les deux sites patrimoniaux présentent donc des stratégies similaires de  reconnaissance patrimoniale à l’échelle internationale.

Le dernier critère qui justifie cette sélection est la similitude technologique des applications de visite proposées aux publics. Dans les deux cas, les dispositifs développés offrent un accès à des reconstitutions 3D des sites patrimoniaux et mobilisent la réalité augmentée.

Pour ces deux terrains, POLI-APP souhaite restituer l’ensemble des étapes de déploiement des projets, de la mise à l’agenda à la mise en œuvre et les rôles des différents acteurs impliqués. POLI-APP a en outre pour objectif d’identifier les représentations du patrimoine et des dispositifs numériques propres à chaque partie-prenante   ainsi que les jeux d’acteurs significatifs (institutions-industriels ; scientifiques-institutions ; politique-touristes/habitants) dans ces projets numériques de médiations patrimoniales.

Concrètement, la mise en œuvre du projet POLI-APP comprend un travail de recueil puis d’analyse des données.

 

Recueil des données

  • réalisation d’entretiens individuels auprès des représentants des différentes parties prenantes impliqués dans les projets des deux études de cas retenues : entreprises prestataires, collectivités territoriales impliquées, responsables scientifiques et institutions patrimoniales

  • recueil des documents produits autour des projets : appels d’offre, cahier des charges et supports de communication (dossiers de presse, affiches, teaser vidéo, etc.)

  • tests experts de l’offre de médiation numérique patrimoniale proposée dans les deux études de cas.

Analyse des données recueillies

  • l’analyse des entretiens doit permettre de déterminer les motivations et intérêts des acteurs, de restituer les étapes et objectifs de déploiement des projets, et de qualifier les rôles et jeux d’acteurs.

  • l’analyse de la documentation existante autour des projets mais aussi l’étude sémiotique réalisée à partir des tests experts visent à caractériser l’offre de médiation effective et à identifier les représentations et valeurs associées à ces projets.

Le recueil et l’analyse des données de terrain seront organisés et réalisés par l’équipe scientifique POLI-APP avec l’aide ponctuelle d’étudiants (séminaire de recherche « Culture et numérique » M2 Médiations, Musées et Patrimoines ; stages en Master). Des chercheurs extérieurs spécialistes des projets numériques patrimoniaux interviendront en amont pour l’élaboration du protocole d’enquête.

Le projet POLI-APP prévoit donc deux activités scientifiques au cours de l’année 2019 :

  • Un workshop (une journée) de mise en place du protocole d’enquête (guide d’entretiens, recensement  des documents existants, calendrier, etc.) en février-mars 2019. Participeront, les membres de l’équipe projet POLI-APP mais aussi des experts extérieurs, spécialistes de projets de médiation  numérique (Nicolas Navarro et Camille Bernetière (ELICO), Ronan German et Marie Gaillard). Les test-experts et l’analyse sémiotique des applications (repérage des types de contenu, de fonctionnalités, de technologies et d’usages inscrits dans l’application) pour cerner l’offre seront effectués en amont de cette journée.

  • Une journée d’études pour présenter et discuter les résultats du projet sera organisée en novembre 2019 à laquelle seront conviées les institutions partenaires du projet des deux sites patrimoniaux concernés. La réalisation et l’analyse des entretiens seront donc effectués entre mars et septembre 2019. Le recueil et l’analyse des documents existants seront effectués en parallèle.

L’originalité du projet repose sur le croisement de questionnements innovants autour de la conception des applications mobiles de visite, des stratégies d’acteurs et des logiques de l’action publique territoriale. Si de nombreuses études actuelles portent sur l’analyse des effets de ces outils sur l’expérience des visiteurs, rares sont encore celles qui interrogent la manière dont sont conçus ces projets numériques et en quoi cette conception affecte la forme et le contenu des applications proposées aux visiteurs.