L’objet « pesticides » en sciences humaines et sociales. Quels savoirs pour quelle transition écologique ? Journées d’études – 5 et 6 février 2020 – Centre Norbert Elias, La Vieille Charité, 13002 Marseille

Depuis la fin de la seconde Guerre mondiale, les pesticides sont devenus la pierre angulaire d’un modèle agricole basé sur l’utilisation croissante d’intrants issus de la chimie. Longtemps considérées comme une avancée révolutionnaire pour protéger les cultures, améliorer les rendements agricoles et répondre aux besoins alimentaires d’une population mondiale grandissante, ces substances se sont progressivement diffusées aux quatre coins du monde. Cependant, avec les alertes de plus en plus fréquentes concernant leurs effets incontrôlés (épuisement des sols, perte de la biodiversité, résistances aux molécules nécessitant des achats croissants de pesticides, affaiblissement de la santé humaine, animale et environnementale), l’usage de ces substances et leur pertinence sont corrélativement remis en question. Les modes de production agricole et de consommation alimentaire sont dès lors réinterrogés par les acteurs sociaux, économiques et/ou politiques, dans des formes et à des degrés variables. Dans les récits de ce début du 21e siècle, la question des « alternatives » est posée pour penser un modèle plus durable, moins polluant et moins anthropocénique, c’est-à-dire moins centré sur l’homme et plus respectueux de l’environnement.

La notion de « transition écologique » qui sous-entend un impératif de changement, attire le regard des chercheurs en sciences sociales qui s’intéressent sur le long terme aux relations des humains avec leur environnement. Nous envisageons cette notion dans une acception large, comme le renouvellement de pratiques et de principes plus respectueux du monde vivant. Les démarches servant ce dessein existent depuis fort longtemps à travers les sociétés, dans des formes buissonnières, plus ou moins visibles et plus ou moins politisées. Dans les démocraties occidentales productrices du modèle agricole en question, le concept est entré dans le vocabulaire commun. Il est utilisé par l’ensemble des formations politiques. Les instances gouvernementales en font parfois leur priorité. Il fait l’objet de nouvelles législations. La société civile et les citoyens s’en saisissent également. A l’échelle macro-politique, la transition écologique se décompose en plusieurs volets interdépendants : transition agro-alimentaire, transition industrielle, transition énergétique et préservation de la biodiversité. Concrètement, dans les micro-espaces d’intervention des individus, ancrés ou non dans les instances politiques et/ou associatives, cette notion revêt des significations, des interprétations et des pratiques qui restent à explorer.

Au cours de ces journées d’études nous souhaitons mettre en discussion des recherches en sciences humaines et sociales qui étudient la « transition écologique » à partir de la question des pesticides. Il s’agira de mettre en lumière, tant dans les Nords que dans les Suds, la manière dont émergent, s’expriment et se construisent les initiatives de transformations et/ou leurs entraves. Dans le secteur agricole, le recours à l’agrochimie fait généralement autorité mais des alternatives juridiques, règlementaires et des pratiques plus ou moins affichées se mettent en place ici et là.

Nous tenterons d’avancer ensemble sur les questions suivantes : peut-on réellement parler de transition écologique en matière de pesticides ou est-on encore dans un système d’utilisation systémique dont il reste difficile d’échapper ? Comment les travaux en SHS permettent-ils de dépasser cette dualité et de proposer des lectures fines et nuancées de changements de pratiques plus ou moins rendues visibles ? Inversement, comment l’analyse des usages des pesticides et de leurs contraintes permet-elle de questionner la notion de « transition écologique » ? Pourquoi cette notion se diffuse-t-elle en place et lieu de celle de changement ? De quelles transformations idéologiques, politiques et scientifiques, ce glissement conceptuel témoigne-t-il ?

Comité d’organisation : Carole Barthélémy (carole.barthelemy@univ-amu.fr), Eve Bureau-Point (eve.bureau-point@univ-amu.fr) et Dorothée Dussy (ddussy@ehess.fr).
Unités impliquées : Centre Norbert Elias, Laboratoire Environnement Population Développement, Institut de Recherche pour le Développement.
Inscription gratuite mais obligatoire via le lien suivant : https://framadate.org/GfRJwf7zEs1UPFfA

 

Programme

 

Mercredi 5 février (Salle A, 2ème étage)

 

13h30
Accueil des participants – Café

14h-14h30
Introduction. Transition et pesticides, de quoi parle-t-on ?

14h30-16h
Session thématique 1 : Science, industrie et régulation
Modératrice : Eve Bureau-Point
Alexis Aulagnier, sociologie, CSO, Université de Paris-Est Marne-la-Vallée, Les sciences agronomiques à l’épreuve des pesticides.
Sylvain Brunier, Jean-Noël Jouzel et Giovanni Prete, sociologie, CSO, IRIS, Paris, Les ZNT comme technologie de gouvernement de l’espace agricole.
Mélanie Porte, sociologie, CERTOP, Université Toulouse II Jean Jaurès, Comment les familles se saisissent des produits « sans résidus de pesticides » proposés par l’industrie agro-alimentaire ?

16h-16h30
Pause

16h30-18h
Session thématique 2 : La recherche participative, un outil au service de la transition écologique ?
Modératrice : Carole Barthélémy
Ludovic Ginelli et Jacqueline Candau, sociologie, UR ETBX INRAE, Bordeaux, Éprouver des inégalités environnementales par la recherche-action. Le cas des capabilités des travailleurs viticoles à dire leur exposition aux pesticides.
Fabienne Goutille, Geoffroy Duporté, Marie-Hélène Dévier, Hélène Budzinski et Alain Garrigou, ergonomie/anthropologie, Equipe EPICENE, Bordeaux, Prévenir les expositions relatives aux usages des phytosanitaires ?
Gaëlle Gasc et Etienne Amiet, sociologie, chercheurs indépendants, Marseille, Le cadrage des relations agriculteurs et riverains en image : immersion sur un territoire aux prises avec la gestion d’un trouble. Projection d’un extrait de film documentaire.

19h30 Dîner au Kahena, 13001 Marseille

 

Jeudi 6 février (Salle de réunion, Centre Norbert Elias)

9h-9h30
Accueil – café

9h30-11h
Session thématique 3 : Les agriculteurs face aux politiques agricoles de transition écologique
Modératrice : Eve Bureau Point
Bernard Formoso, ethnologie, Université Paul Valéry, IrAsia, Marseille : Sensibilisation et réponse des agriculteurs du nord-est de la Thaïlande à la pollution environnementale aux pesticides
Youssoupha Tall, Veronica Mitroï, Ibrahima Dia et José-Frédéric Deroubaix sociologie, LASAP/UCAD, Sénégal, Quelle transition écologique autour du lac de Guiers? Représentations de la dégradation du lac et rationalisation de l’usage des pesticides.
Aurélie Rondreux, anthropologie, CNE, EHESS, INRA, Marseille. La prise en compte des abeilles domestiques dans les systèmes agricoles est-elle un pas vers une écologisation de l’agriculture ?

11h-11h30
Pause

11h30-12h30
Session thématique 4 : Mobilisations sociales, éco-féminisme et transition écologique
Modératrice : Dorothée Dussy
Mounia El Kotni, anthropologie, Cems-EHESS, Paris, L’agroécologie comme « option de vie ». Mobilisation de femmes pour les alternatives aux pesticides dans le Sud du Mexique.
Anne Dang Xuan Nguyen, science politique, Université Libre de Bruxelles, Apocalypse then. De l’Agent Orange au glyphosate dans les mobilisations anti-herbicides.

12h30-14h
Déjeuner

14h-15h30
Session thématique 5 : Du Beaujolais aux jardins de Ouagadougou : quelles significations de la transition écologique pour les agriculteurs ?
Modératrice : Carole Barthélémy
Gilles Armani, anthropologie, IRSTEA Lyon, Villeurbanne, Transition écologique dans la viticulture ? L’exemple du Beaujolais.
Odette Ouedraogo, géographie, Université de Nantes/Université Joseph KI-ZERBO de Ouagadougou, Burkina Faso, Émergence des pratiques agro écologiques et biologiques dans une ville du Sud : l’exemple de Ouagadougou au Burkina Faso.
Rufin Akiyo, Gildas Oloushegun Aizannon, Sakibou Orou Gani, Adamou Amadou, André Tamou, Laurence Roudart, sociologie/anthropologie, FLASH/Université de Parakou, Bénin. Problématique de gestion des emballages obsolètes de pesticides chimiques dans la commune de Kandi au nord du Bénin.

15h30-16h
Pause

16h-16h30
Conclusion des journées