Il s’agit d’une recherche financée par l’Institut National du Cancer (INCa N°2017-137) impliquant différentes équipes institutionnelles et pluridisciplinaires composées de : Irène Théry, directrice d’étude à l’EHESS ; Manon Vialle, chercheuse post-doctorante CNRS au Centre Norbert Elias (CNRS, EHESS, Avignon Université, AMU) ; Pr Blandine Courbiere (Plateforme Cancer et Fertilité ONCOPACA-Corse, CECOS, AP-HM) ; et Dr Julien Mancini, MCU-PH au SESSTIM (AMU, INSERM, IRD). Le projet de recherche était initialement intitulé : « Attitudes face au projet parental après la survenue d’un cancer : une étude sociologique au prisme du genre »
Vécus de l’infertilité et de l’accès à la parenté de femmes et d’hommes ayant eu un cancer lorsqu’ils étaient adolescents ou jeunes adultes (AJA) (2018-2019)
(English version below)
Cette recherche explore les vécus de l’infertilité et de l’accès à la parenté des femmes et hommes ayant eu un diagnostic de cancer lorsqu’ils étaient adolescents ou jeunes adultes (AJA). Elle vise à mieux comprendre les conséquences de deux aspects de leurs trajectoires, mis au jour par plusieurs études, à savoir : 1/ le fait que la préservation de la fertilité dans le cadre des prises en charge en oncologie n’est pas mise en place de manière systématique alors qu’elle relève d’une obligation médico-légale en France ; 2/ le fait que le maintien de la fertilité et la possibilité d’accéder à la parenté ou non affecte la qualité de vie post-cancer.
La recherche réalisée a ainsi eu pour objectif d’éclairer les vécus des personnes concernées en fonction notamment du fait qu’elles aient bénéficié d’une préservation de leurs gamètes ou non, qu’elles soient toujours fertiles après la fin des traitements ou non.
Nous avons réalisé une enquête qualitative reposant sur 36 entretiens approfondis d’une longueur variant entre une à trois heures. 22 femmes et 14 hommes ont été interrogés, âgés entre 22 et 51 ans, ayant eu un cancer du sein, des testicules ou une hémopathie (leucémie, lymphome hodgkinien ou non hodgkinien). Parmi eux, 8 femmes ont eu un cancer du sein ; 14 femmes une leucémie, lymphome hodgkinien ou non hodgkinien ; 6 hommes ont eu un cancer des testicules ; 8 hommes une leucémie ou lymphome hodgkinien. 7 des 22 femmes interrogées ont eu un enfant depuis la fin de leur traitement anticancéreux (de manière spontanée ou par AMP avec leurs ovocytes cryoconservés ou issus du don) ; 5 des 14 hommes ont eu ou attendaient un enfant (de manière spontanée ou par AMP avec leur spermatozoïdes cryoconservés ou issus du don). 9 femmes ont pu bénéficier d’une préservation de leur fertilité avant traitement, 3 en post-traitement et 10 n’ont pas eu de préservation. Parmi les hommes, 13 ont bénéficié d’une préservation et 1 n’en a pas eu. Quelques-uns se savaient fertiles ou infertiles au moment de l’entretien, mais la plupart d’entre eux ignoraient l’état de leur fertilité.
Cette diversité de situations a permis d’analyser une variété de vécus post-cancer. Néanmoins, malgré cette diversité, des difficultés ont systématiquement été rapportées, apparaissant à différentes étapes des trajectoires post-cancer des enquêtés. Elles varient selon des éléments précis que sont notamment : l’âge, le genre, la situation conjugale, ou encore le fait d’avoir eu une prise en charge médicale spécifique dans un groupe AJA ou non.
Ces difficultés sont le plus souvent liées à un manque d’information et d’accompagnement médical pour comprendre et anticiper les effets durables des traitements anticancéreux, tels que ceux affectant la sexualité et la fertilité. Ces résultats montrent ainsi l’importance d’une plus large diffusion auprès des médecins, des patients et de leurs proches des difficultés post-cancer existantes, liées en particulier aux conséquences du cancer et de ses traitements sur la fertilité, la sexualité et la vie de couple.
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Infertility and access to parenthood experiences of women and men who had cancer as adolescents and young adults (AYA) (2018-2019)
This research explores the infertility and access to parenthood experiences of women and men diagnosed with cancer as adolescents and young adults (AYA). It aims to better understand the consequences of two aspects of their trajectories, revealed by several studies, namely: 1/ the fact that fertility preservation in the context of oncology treatment is not implemented systematically, even though it is a medico-legal obligation in France; 2/ the fact that fertility preservation and the possibility of access to parenthood or not affect the quality of life after cancer.
The research carried out aimed to shed light on the people concerned experiences, in particular according to whether they have benefited from gamete preservation or not, whether they are still fertile after cancer treatment or not.
We carried out a qualitative survey based on 36 in-depth interviews lasting between one and three hours. 22 women and 14 men were interviewed, aged between 22 and 51 years old, who had breast cancer, testicular cancer or hemopathy (leukemia, Hodgkin’s or non-Hodgkin’s lymphoma). Among them, 8 women had breast cancer; 14 women had leukemia, Hodgkin’s lymphoma or non-Hodgkin’s lymphoma; 6 men had testicular cancer; 8 men had leukemia or Hodgkin’s lymphoma. 7 out of 22 women interviewed have had a child since the end of their cancer treatment (spontaneously or by assisted reproductive technologies (ART) with their cryopreserved or donated oocytes); 5 out of 14 men have had or were expecting a child (spontaneously or by ART with their cryopreserved or donated sperm). 9 women had fertility preservation before treatment, 3 after treatment, and 10 did not have any preservation. Of the men, 13 had preservation and 1 did not. A few knew they were fertile or infertile at the time of the interview, but most were unaware of their fertility status.
This diversity of situations made it possible to analyze a variety of post-cancer experiences. Nevertheless, despite this diversity, difficulties were systematically reported, appearing at different stages of the respondents’ post-cancer trajectories. They vary according to specific factors such as age, gender, conjugal status, or the fact of having specific medical care in an AYA group or not.
These difficulties are most often related to a lack of information and medical support to understand and anticipate the lasting effects of cancer treatments, such as those affecting sexuality and fertility. These results show the importance of a wider spread among doctors, patients and their relatives of the existing post-cancer difficulties, linked in particular to the cancer and its treatments consequences on fertility, sexuality and couple life.