GISCOPE 84

Le Groupement d’Intérêt Scientifique sur les Cancers d’Origine Professionnelle et Environnementale dans le Vaucluse (GISCOPE 84) a rejoint le Centre Norbert Elias en septembre 2022. Ce programme de recherche à forte interdisciplinarité est porté par une équipe pluriprofessionnelle basée au Centre hospitalier d’Avignon et à Avignon Université, composée de médecins hospitaliers, de professionnell·es de la prévention, ainsi que de chercheur·es en sciences sociales, santé publique et biologie.

Contact : giscope84@centrenorbertelias.fr
Site Hypothèses : https://giscope84.hypotheses.org

 

Un dispositif de recherche et d’action pluridisciplinaire contre les cancers d’origine professionnelle et environnementale

En 2015, le cancer est devenu la deuxième cause de décès dans le monde et pour la Commission européenne, qui anticipe une hausse de 24% du nombre de cas incidents, il pourrait devenir la première en Europe d’ici 2035. En France, où les cancers sont d’ores et déjà la première cause de mortalité, l’épidémie continue à prendre de l’ampleur – l’INCa estimant à plus de 433 000 le nombre de nouveaux cas en 2023, soit 34 700 (8,7 %) de plus qu’en 2019. Si les alertes sur les causes environnementales se multiplient, le rôle du travail demeure toujours aussi peu pris en compte. Une commission spécialisée de la Sécurité sociale a récemment estimé que, chaque année, entre 50 700 et 80 400 cas incidents de cancers d’origine professionnelle ne sont pas reconnus comme tels. Or, en 2020 comme en 2021, seuls environ 1 600 cancers ont été reconnus en maladie professionnelle. Autrement dit, environ 97% à 98% des cancers professionnels resteraient non reconnus et donc socialement invisibles pour les acteurs/trices de la santé publique comme pour les personnes qui en sont atteintes.

Ce projet part d’une inquiétude des médecins du service d’Oncologie-Hématologie du Centre hospitalier d’Avignon (CHA), qui constatent, depuis une vingtaine d’années, une augmentation de l’incidence des cancers hématologiques, un rajeunissement des patient.es au diagnostic, ainsi qu’une proportion plus élevée de cas graves. Avec plus de 45 000 cas incidents par an, les hémopathies malignes font partie des cancers qui ont le plus augmenté ces 20 dernières années. Alors que ces pathologies sont connues pour leurs liens avec des expositions toxiques (pesticides, rayonnements ionisants, benzène, solvants chlorés, etc.), les expositions professionnelles subies par les patient.es atteint.es de cancers hématologiques restent peu étudiées, ce qui contribue à favoriser une sous-déclaration et une sous-reconnaissance massives des cancers professionnels. Cette invisibilité des activités productives exposantes contribue également à occulter une des causes majeures des expositions environnementales.

 

Une enquête permanente menée par une équipe pluriprofessionnelle…

Programme de recherche à interdisciplinarité forte (sciences sociales, santé publique, sciences de la vie), le GISCOPE 84 est porté par une équipe pluriprofessionnelle composée de médecins hospitaliers (CH d’Avignon, CHU de Caen), de professionnels de la prévention (médecins du travail, ingénieurs, chimistes, (ergo)toxicologues, etc.) ainsi que de chercheur·es en sciences sociales, santé publique et biologie (CNRS, Inserm, INRAE, EHESP, Universités d’Avignon, d’Aix-Marseille & de Bordeaux).

Depuis 2017, le GISCOPE 84 mène une enquête systématique auprès de patient.es atteint.es d’hémopathies malignes pris en charge dans les établissements du Groupement hospitalier de territoire du Vaucluse (GHT 84). Cette enquête produit des données précises sur les parcours et activités de travail des patient.es, les expositions à 64 cancérogènes classés qu’ils/elles ont pu subir dans le cadre de leur travail, ainsi que sur leurs parcours résidentiels.

L’enquête permanente du GISCOPE 84

L’enquête permanente s’appuie sur le recensement systématique des cas de lymphomes non Hodgkiniens et myélomes multiples diagnostiqués dans sept établissements de soin du Vaucluse, desservant un bassin de population trans-départements d’environ 600 000 habitants. À partir des cas incidents, des entretiens biographiques avec les patient.es permettent la reconstitution détaillée de leurs parcours professionnels, au plus près des activités réelles de travail, ainsi que de l’histoire résidentielle. Un collectif pluridisciplinaire d’expert.es des conditions et procédés de travail et des expositions toxiques (composé de médecins du travail, sociologues, ergo-toxicologues, ingénieurs de prévention, chimistes, patients experts, etc.) analyse les parcours professionnels et identifie et caractérise les possibles expositions à des cancérogènes classés (CIRC, directives européennes). Pour chaque patient.e, le collectif d’expertise émet un avis sur l’opportunité (ou non) d’engager une déclaration en maladie professionnelle. Les patient.es éligibles, qui souhaitent s’engager dans la démarche de déclaration, sont accompagné.es par une assistante sociale hospitalière et une sociologue chargée du suivi tout au long de la procédure.

La production de connaissances sur les expositions aux cancérogènes permet d’identifier les populations les plus exposées et d’éclairer les facteurs institutionnels et sociaux qui conduisent à rendre visibles – ou à laisser dans l’ombre – les risques sanitaires liés au travail et à l’environnement. L’enquête montre que près de 90 % des patient.es ont été – souvent lourdement – exposé.es aux cancérogènes dans leur travail. Alors qu’il n’y a pas de tri en fonction des activités professionnelles ou des expositions supposées des patient.es, la moitié d’entre elles/eux sont orienté.es vers une déclaration de maladie professionnelle par le collectif d’expertise.

L’accompagnement des patient.es éligibles à la reconnaissance en maladie professionnelle contribue à améliorer l’accès au droit et permet l’étude des obstacles et des inégalités d’accès à ce droit. La connaissance précise des situations de travail exposant aux cancérogènes permet de prévenir des cancers en évitant ces expositions, notamment en sécurisant des postes de travail. L’étude sociologique éclaire les logiques institutionnelles et sociales d’invisibilisation des risques liés au travail et à l’environnement, ainsi que les obstacles à la mise en œuvre des dispositifs réglementaires concernant la prévention des cancers professionnels.

 

… qui alimente un programme de recherche à visée de transformation sociale

Le programme de recherche du GISCOPE 84 porte à la fois sur l’analyse des données issues de l’« enquête permanente » et il s’articule autour de plusieurs projets de recherche adossés à cette enquête, avec – souvent – une composante interventionnelle. Les projets suivants sont actuellement en cours :

Connaître les expositions professionnelles aux cancérogènes pour prévenir les cancers hématologiques
Financement : Ligue nationale contre le Cancer (2021 – 2024)

Identifier les activités réelles de travail exposant aux pesticides tout au long de la carrière (ACT-PEST)
Financement : Office français de la Biodiversité / Plan EcoPhyto II+ (2022 – 2025)

Sociologie des inégalités de genre face au cancer professionnel hématologique. Le cas des femmes travaillant dans le nettoyage
Financement : Fondation de France (2024 – 2025)

Travail cancérogène et effets sociaux des cancers. Les inégalités devant les hémopathies malignes d’origine professionnelle comme enjeu de santé publique (TRACHES)
Sous la coordination de Sylvain Bertschy et Rémy Ponge (LEST UMR 7317).
Financement : Fondation de France (2023-2024).
http://lest.fr/fr/recherche/projets-recherche/autre-traches

Expositions professionnelles dans le secteur agricole et modalités du (non) recours au droit à la reconnaissance en maladie professionnelle – une étude à partir du cas des travailleurs saisonniers marocains en contrat OFII
Recherche doctorale menée par Anouk Smolski (Centre Max Weber – Université Lyon 2)
Financement : CNRS/InSHS

D’autres projets de recherche – sur les coûts des hémopathies d’origine professionnelle ou encore sur les liens entre expositions cancérogènes et devenir post-diagnostic des patient.es atteint.es d’hémopathies – sont en cours de construction, et le diplôme universitaire “Cancer – Travail – Environnement”, porté par le GISCOPE 84, débutera au premier semestre 2024 à Avignon Université.

 

Équipe et partenaires

Équipe d’enquête
Moritz Hunsmann, co-direction (CR, CNRS)
Judith Wolf, co-direction (IR, Avignon Université)
Aurore Aubail, gestion et coordination (IE, CNRS)
Etienne Amiet, enquête (IE, CNRS)
Cécile Durand, enquête et suivi (IE, Avignon Université)
Solenne Larrere, enquête (IE, CNRS)
Coline Loison, enquête (IR, CNRS)

Équipe hospitalière – Centre hospitalier d’Avignon
Julie Bart, suivi (assistance sociale, CHA)
Nicolas Cloarec, oncologue (chef de service)
Marilyne Grinand, responsable de l’Unité de Promotion Interne
Borhane Slama, oncologue/hématologue (chef de pôle)

Chercheur·es associé·es
Sylvain Bertschy, historien/sociologue (CR contractuel, CNRS)
Delphine Blanke, mathématicienne/statisticienne (PR, Avignon Université)
Frédéric Décosse, sociologue (CR, CNRS)
Tania Dos Santos, sociologue (doctorante contractuelle, Université Paris Cité)
Marie Ghis-Malfilatre, sociologue (CR, CNRS)
Laurence Huc, toxicologue (DR, INRAE)
Martine Le Friant, juriste (PR, Avignon Université)
Benjamin Lysaniuk, géographe (CR, CNRS)
Rémy Ponge, sociologue (MCF, AMU)
Léa Prost, géographe (MCF, UPEC)
Anouk Smolski, sociologue (doctorante contractuelle, CNRS)
Annie Thébaud-Mony, sociologue (DR hon., Inserm)
Xavier Troussard, hématologue (PUPH, CHU Caen)

Financements
Agence Régionale de Santé Provence-Alpes-Côte d’Azur
Ligue nationale contre le Cancer
Région Sud / PACA
Fondation de France
Office Français de la Biodiversité
Direction Régionale de l’Économie, de l’Emploi, du Travail et des Solidarités (DREETS) Provence-Alpes-Côte d’Azur

Autres institutions et associations impliquées
Centre hospitalier d’Avignon
Avignon Université
CNRS
Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire
Comité départemental du Vaucluse de la Ligue contre le Cancer
CRIRAAD (Commission de Recherche et d’Information Indépendantes sur la Radioactivité)
Phyto-Victimes (Association nationale d’aide aux professionnels victimes des pesticides)
AIST 84 (Prévention et santé au travail)
École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS)
Communauté d’Agglomération du Grand Avignon