Appel à contributions pour le dossier thématique de la revue Anthropologie & Santé, « La césarienne dans le monde à l’intersection entre paysages médicaux globalisés et logiques locales », coordonné par Caroline Chautems (Unil), Irene Maffi (Unil) et Aïnhoa Saenz Morales (Unil).
Date limite pour l’envoi des propositions : 15 octobre 2023
Au cours des deux dernières décennies, la plupart des pays à revenu moyen et élevé ont été confrontés à des taux de césariennes de plus en plus élevés, malgré les recommandations de l’OMS visant à limiter les naissances chirurgicales à 10-15 % (WHO, 2015).
Technologie permettant à l’origine de sauver des vies, la césarienne fait aujourd’hui l’objet de débats médicaux, politiques, économiques et sociaux en raison de sa surutilisation dans de nombreux pays du monde. Les critiques soulignent ses effets iatrogènes sur les mères et les bébés (Xie et al., 2015), les expériences parfois traumatisantes des parents (Bossano et al., 2017 ; Dekel et al., 2017 ; Guittier et al., 2014 ; Lopez et al., 2017) et la logique lucrative derrière son utilisation disproportionnée dans les cliniques privées. Elles mettent également en avant les logiques raciales et de genre selon lesquelles la césarienne est pratiquée davantage sur des catégories spécifiques de femmes (Edmonds et al., 2013 ; Roth & Henley, 2012 ; Sauvegrain, 2013) et la violence structurelle qu’elle entraîne, ainsi que les choix politiques des autorités de santé publique qui encouragent ou découragent son utilisation. Elles pointent également du doigt les pressions médico-légales, les formations obstétricales inadéquates et les protocoles hospitaliers favorisant les pratiques interventionnistes pour rationaliser le travail du personnel (Carricaburu, 2005). Certain·e·s considèrent que l’augmentation considérable des taux de césariennes au cours des dernières décennies est également le résultat de demandes de la part des femmes. Cela soulève la question de l’information que les femmes reçoivent pendant la période prénatale sur les risques et les avantages de l’accouchement chirurgical par rapport à l’accouchement vaginal (Fenwick et al., 2006 ; Nakano et al., 2015).
Ce numéro thématique vise à explorer ce paysage complexe, qui est simultanément façonné par la circulation mondiale des connaissances et des technologies biomédicales et les logiques ancrées dans les contextes sociaux, politiques, économiques et culturels locaux. La césarienne se situe au croisement de thèmes centraux en anthropologie de la santé tels la circulation transnationale des savoirs et technologies biomédicaux ou medicoscapes(Hörbst & Wolf, 2014), l’hyper-médicalisation de la vie, les violences (Schantz et al., 2021), le racisme (Davis, 2019) et l’injustice obstétricales (El Kotni & Quagliariello, 2021), les inégalités en santé, le caractère genré de la gynécologie-obstétrique (Lausberg, 2020 ; Castro, 2021) et de la prise en charge de la période périnatale (Ballif, 2020 ; Vozari, 2015), les rapports entre corps et technologies, la définition de la féminité par les dispositifs biomédicaux, les effets du néolibéralisme sur les services de santé (Jouve, 2006) et la judiciarisation de la médecine (Manaï et al., 2010). Examinant l’épidémie de césariennes (Savage, 2000) à différentes échelles : micro, méso et macro, ce numéro spécial considère d’une part les politiques des États et leur impact sur les systèmes de santé en termes d’inégalités de race, classe et genre. Il questionne les négociations avec les parents autour du choix du mode d’accouchement à l’aune des recommandations des sociétés médicales et des positions des professionnel·le·s de la santé. Il vise à mettre en lumière les expériences des parents en matière de naissance chirurgicale, imbriquées dans des logiques genrées modelant les rôles et responsabilités parentales. Il interroge enfin les logiques et les conditions structurelles derrière l’excès de césariennes dans certains contextes socioculturels et l’insuffisance de ces interventions dans d’autres.