Partagé aujourd’hui entre Roumanie, Serbie et Hongrie, le Banat est l’une des régions d’Europe où la diversité ethnique est la plus importante. Cette situation trouve son origine au XVIIIe siècle dans des migrations massives, planifiées ou spontanées. Des dizaines de milliers de paysans catholiques de tous pays vinrent alors rejoindre les communautés orthodoxes qui peuplaient déjà les campagnes banataises. Complétant cette Babel rurale, des marchands grecs, arméniens et juifs s’installèrent également dans les bourgs et les villes. Pour comprendre le passé de ce territoire mosaïque, situé entre monarchie habsbourgeoise et empire Ottoman, les catégorisations nationales rigides du présent sont de peu d’utilité. L’ethnicité doit être envisagée dans ses régimes d’historicité.

Cet ouvrage part ainsi d’une histoire intellectuelle des pratiques administratives. Il retrace l’appropriation politique du Banat par le pouvoir habsbourgeois, en insistant sur la tension entre gouvernements central et local. L’ethnicité n’est pas une classification savante imposée d’en haut dans une société coloniale. Les dynamiques du peuplement et la prolifération des privilèges collectifs, qui favorisent le morcellement identitaire, apparaissent à rebours de l’uniformisation souhaitée par les administrateurs viennois.

 

Benjamin Landais
Nations, privilèges et ethnicité. Le banat habsbourgeois : un laboratoire politique aux confins de l’Europe éclairée
Association Presses Universitaires de Strasbourg, collection Les mondes germaniques, 580 pages, 2023.
ISBN : 978-2-38571-007-1
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