Travaillée par deux champs de recherche aujourd’hui en plein essor, celui des études ottomanes et celui du colonial, l’histoire du Maghreb d’époque moderne peine à sortir des marges dans lesquelles l’un et l’autre l’ont confinée. Ce séminaire entreprend plutôt de poser la focale sur cette région et ce passé, c’est-à-dire de mettre les sociétés du Maghreb de cette époque au centre de l’analyse et de la comparaison. Un tel recentrage permet d’exhumer des expériences historiques originales que les traditions historiographiques avaient recouvertes. En bousculant ainsi des cadres analytiques trop vite érigés, il invite au renouvellement des questionnaires de la recherche maghrébine et de son champ historiographique, en particulier quant aux formes -étatiques et non étatiques- du politique saisies dans les épaisseurs du social.
L’histoire ethnographique du politique poursuivie ici, à distance d’une histoire institutionnelle, éclaire les dynamiques et les logiques d’institutions sociales qui sont mises en lumière par l’attention portée aux pratiques saisies en situation et dans les termes de leurs manifestations. Elle s’attache (plutôt que de les présupposer) à en reconstituer les contextes et les langages qui en explicitent la portée et les enjeux. Cette approche situe ainsi les sources –leur histoire et l’à propos de leur élaboration ou de leurs usages – au cœur du dispositif de la recherche. Considérées comme des productions sociales à part entière, inscrites de plain-pied dans les contextes historiques qui les ont vu naitre, les sources sont abordées comme le véritable terrain anthropologique de l’observation, de l’enquête et de l’analyse.
Dans le prolongement des questions autour de la portée des matériaux historiques dans la construction d’une histoire des sociétés du Maghreb aux XVIe-XIXe siècles, que le séminaire a affrontées les années précédentes, nous nous arrêterons cette année sur certains des débats et propositions qui traversent aujourd’hui les travaux de recherches sur les sociétés du Maghreb et nous nous interrogerons sur les façons dont ces études prennent part et renouvellent les historiographies à la fois ottomane et coloniale. Attentif à rendre compte de la recherche en train de se faire, le séminaire prendra la forme d’un atelier mettant à disposition des participantes et participants les matériaux de la recherche (leur traduction le cas échéant) et les éléments méthodologiques et épistémologiques mobilisés pour leur abord. Ce séminaire, au-delà du champ de recherche qu’il parcourt, propose, à partir d’objets historiquement situés, de réfléchir aux opérations historiques intimées par la lecture des sources et les processus de contextualisation d’une histoire ethnographique des actions et pratiques.

Coordination scientifique : Isabelle Grangaud (Centre Norbert Elias/CNRS) – isabelle.grangaud@cnrs.fr
Le séminaire a lieu en visioconférence et au Centre Norbert Elias (Marseille, La Vieille Charité, 3e étage, salle 315).

 

Programme

Mercredi 13 mars, 15h00-17h00
D’une prison à l’autre : femmes et espaces carcéraux en Tunisie sous protectorat français
Avec Hend Guirat (Université de Tunis)
Discutante : Florence Renucci (IMAF/CNRS, Aix-en-Provence).

Mercredi 10 avril, 15h00-17h00
Retour sur « Ottoman Algiers beyond 1830 »
Avec Zeynep Çelik (Columbia University, New-York)

Mercredi 15 mai, 15h00-17h00
À propos d’un « Maghribian Turn in the Ottoman Studies » (JOTSA)
Avec Youssef Ben Ismail (Columbia University, New-York) et Jessica M. Marglin (University of Southern California, Los Angeles)

Mercredi 19 juin, 15h00-17h00
Autobiographie en dialogue. Comment Tahar Ben Neggad a raconté sa vie – 1860
Avec Alain Messaoudi (CRHIA/Nantes Université)