Les journées d’étude « La fabrique artistique dans le monde arabe, Politiques, professions, circulations » proposent de réfléchir à la fabrique artistique – arts visuels, arts du spectacle, arts urbains, cinéma, littérature, théâtre, musique, performances, etc. -, dans les sociétés du monde arabe.
• le 22 novembre à la MSH Paris Nord, La Plaine Saint-Denis.

• les 25-26 novembre à la Vieille Charité et au Mucem, Marseille.

Confrontées à des situations de crises polymorphes (guerres, révoltes, colonisation, autoritarisme, crise financière, crise sanitaire, etc.), ces sociétés font l’objet d’un nombre accru de travaux en sciences sociales consacrés le plus souvent aux mobilisations politiques et à leurs soubassements socioéconomiques, à la radicalisation, à la transformation des États, ou encore aux migrations. D’un autre côté, les études arabes et les cultural studies interrogent l’expression même de ces crises, à travers leurs représentations dans le champ culturel et artistique, et témoignent d’une extrême pluralité de formes et de contenus.

Pourtant, rares demeurent les études qui ont porté sur les conditions mêmes de production des arts dans la région, ou qui se sont intéressées aux pratiques artistiques à partir de leur matérialité : accès aux ressources, financements, professionnalisation, industrialisation des arts, circulation des acteurs, des matériaux et des œuvres, institutions et politiques culturelles, etc. Par fabrique artistique, nous désignons l’ensemble des étapes et des dynamiques qui participent à faire l’œuvre d’art. La pratique artistique est ici considérée en tant qu’activité collective, engageant une multiplicité d’acteurs rassemblés au sein de mondes de l’art. Nous chercherons à comprendre comment se développent, au niveau historique et socioéconomique, ces « mondes de l’art » dans le monde arabe, et comment ils évoluent dans un contexte de crises multiformes.

L’attention sera dès lors, portée sur l’ensemble des relations sociales, politiques et économiques qui régissent la production d’objets artistiques, dans une approche résolument interdisciplinaire. Nous nous intéressons tout particulièrement aux enjeux de lutte et aux rapports de pouvoir qui sous-tendent toute activité artistique. Or, jamais ceux-ci n’apparaissent aussi bien que dans les moments de crise systémique, lorsqu’une configuration institutionnelle se défait, ou se refait.

Coordination scientifique
Taher Labadi (IFPO) et Marion Slitine (Centre Norbert Elias/EHESS/Mucem).

Partenaires
MSH Paris Nord, Mucem, LabEx ICCA, SoMuM, Centre Norbert Elias, La Fabrique des écritures, iReMMO, Rencontres à l’échelle, Orient XXI.

Présentation

 

Cette journée se propose de réfléchir à la fabrique artistique (arts visuels, arts du spectacle, arts urbains, cinéma, littérature, théâtre, musique, performances, etc.) dans les sociétés du monde arabe. Confrontées à des situations de crises polymorphes (guerres, révoltes, colonisation, autoritarisme, crise financière, crise sanitaire, etc.), ces sociétés font l’objet d’un nombre accru de travaux en sciences sociales consacrés le plus souvent aux mobilisations politiques et à leurs soubassements socioéconomiques, à la radicalisation, à la transformation des Etats, ou encore aux migrations. D’un autre côté, les études arabes et les cultural studies interrogent l’expression même de ces crises, à travers leurs représentations dans le champ culturel et artistique, et témoignent d’une extrême pluralité de formes et de contenus. Pourtant, rares demeurent les études qui ont porté sur les conditions mêmes de production des arts dans la région, ou qui se sont intéressées aux pratiques artistiques à partir de leur matérialité : accès aux ressources, financements, professionnalisation, industrialisation des arts, circulation des acteurs, des matériaux et des œuvres, institutions et politiques culturelles, etc. Par fabrique artistique, nous désignons l’ensemble des étapes et des dynamiques qui participent à faire l’œuvre d’art. La pratique artistique est ici considérée en tant qu’activité collective, engageant une multiplicité d’acteurs rassemblés au sein de mondes de l’art. Nous chercherons à comprendre comment se développent, au niveau historique et socioéconomique, ces « mondes de l’art » dans le monde arabe, et comment ils évoluent dans un contexte de crises multiformes. L’attention sera dès lors, portée sur l’ensemble des relations sociales, politiques et économiques qui régissent la production d’objets artistiques, dans une approche résolument interdisciplinaire. Nous nous intéressons tout particulièrement aux enjeux de lutte et aux rapports de pouvoir qui sous-tendent toute activité artistique. Or, jamais ceux-ci n’apparaissent aussi bien que dans les moments de crise systémique, lorsqu’une configuration institutionnelle se défait, ou se refait.

 

Axes de recherche

 

Axe 1. «  Politiques, financements et institutions  »

Ce premier axe porte sur l’interaction des fabricants d’art avec des agendas politiques et culturels mis en œuvre aux niveaux national, régional et transnational. Ces agendas sont le fait des autorités publiques, des mécènes et des fondations privées, des ONG ou des associations ou encore des acteurs privés. Par-delà la question des financements et des rapports de pouvoir qu’ils génèrent, il s’agit d’examiner le rôle que jouent l’organisation de festivals et de concours, la mise en place de formations et de programmes d’échange, l’émergence de marchés de l’art, l’ouverture d’espaces dédiés aux arts, etc. Ceux-là sont autant de dispositifs qui déterminent les conditions de la fabrique artistique et participent de sa régulation. Nous interrogeons ainsi la fabrique des arts dans un contexte institutionnel en mouvement et en relation avec des attentes, des injonctions, des réappropriations, lesquelles peuvent converger ou au contraire s’avérer contradictoires.

 

Axe 2. «  Travail, filière de production et valeurs de l’art  »

Le deuxième axe traite du travail artistique en tant qu’activité socioéconomique susceptible de produire de la valeur. Nous nous intéressons à la progressive professionnalisation et internationalisation du travail d’artiste dans le monde arabe. Ces processus sont envisagés y compris depuis la perspective des acteurs qui s’en trouvent exclus ou demeurent à la périphérie. Se pose ainsi la question des conditions inégalitaires d’accès à la carrière artistique, ainsi que celle des moyens matériels de subsistance. Il s’agit en outre de considérer l’ensemble de la filière et de recenser les différents métiers et compétences impliqués dans la production des œuvres. De même, nous interrogeons les ressorts, collectifs ou conflictuels, de la fabrique artistique et tout particulièrement les relations qui se nouent entre professions « visibles » (artistes, réalisateurs, comédiens…) et professions « invisibles » (producteurs, techniciens, régisseurs, imprimeurs, assistants…). Une série de questionnements concerne les mécanismes socioéconomiques de valorisation des œuvres d’art ; valorisation qui peut être conjointement ou alternativement esthétique, patrimoniale, marchande ou politique, et qui place l’œuvre d’art au croisement de différents registres.

 

Axe 3. «  Territoires et circulations  »

Cet axe traitera la dimension spatiale de la fabrique artistique. Il s’agira d’identifier les lieux de cette fabrique et de questionner ses rapports au territoire, à la ville, à l’espace public, qu’elle peut contribuer à transformer. Par prolongement, nous interrogerons les processus de gentrification et d’exclusion, autrement dit la participation de la fabrique des arts aux inégalités socio-spatiales dans le monde arabe. Cette réflexion sera mise en perspective avec la question des circulations (images, œuvres, individus, savoirs, discours, normes, pratiques) au sein de cette région, prise dans un double mouvement d’ouverture et de confinement. Il conviendra d’explorer les formes de cette circulation, ses canaux et ses modalités, et la polarisation spatiale qu’elle induit avec la variation des pôles d’attraction au niveau régional. C’est aussi la question du transfert de l’espace urbain à l’espace médiatique et numérique qui sera interrogée ici, à l’heure où ces circulations sont démultipliées avec l’essor des nouvelles technologies (NTIC).

 

Intérêt du projet

L’accent mis ici sur l’étude des conditions socioéconomiques de production des arts et l’attention portée aux pratiques artistiques à partir de leur matérialité, nous permettra de pratiquer un « décentrement par rapport au politique », sans toutefois l’évacuer. Plutôt que de souscrire à une vision enchantée des pratiques artistiques – comme nécessairement émancipatrices – et du champ culturel – comme espace inconditionnel de liberté –, nous proposons une « description dense » des contextes socioéconomiques et matériels dans lesquelles l’objet artistique émerge, mais aussi des subjectivités de ceux qui produisent les œuvres, les commercialisent ou les consomment. Il s’agit en cela de prendre au sérieux les transformations de la fabrique artistique dans le monde arabe, lesquelles s’avèrent notamment liées aux phénomènes de professionnalisation et de mondialisation du travail d’artiste, ou encore de numérisation et de marchandisation des œuvres d’art. L’attention sera en outre portée aux mobilités, aux inégalités sociales et spatiales, ainsi qu’aux enjeux de production de l’espace public et de territorialisation. Cette approche suscitera des savoirs novateurs sur l’art et le travail artistique, ainsi que plus largement sur l’« ethnologie du contemporain ». À plusieurs titres, les phénomènes artistiques en cours dans le monde arabe s’avèrent être un reflet des mutations plus larges des sociétés, de leurs fractures internes, car « s’il y a bien de l’indicible dans la création artistique », les pratiques artistiques représentent des « performances sociales » à part entière. Les mondes de l’art s’avèrent de ce fait, un laboratoire particulièrement propice pour étudier les transformations des sociétés dans la région, comme le souligne Howard Becker pour qui « le monde de l’art reflète la société dans son ensemble », et « parler de l’art […] est une façon particulière de parler de la société et des mécanismes sociaux en général ».
Considérer l’encastrement social et politique de l’économie, mais aussi celui de l’art, permet d’éclairer les conditions de production des conventions, des institutions et des acteurs, d’où l’invitation faite à « aller voir » du côté de ce que produisent d’autres sciences sociales, à exercer un rapprochement disciplinaire, voire un « cannibalisme disciplinaire », mêlant approches historiques, politiques, économiques, culturelles et ethnographiques. Par ailleurs, et à l’exception de quelques travaux, les recherches consacrées aux scènes artistiques du monde arabe et aux nouvelles cultures médiatiques dans l’espace arabe ont à cet égard souvent privilégié le cadre national, au détriment d’une perspective transnationale, à même de mettre en lumière les circulations et les flux culturels. En proposant de croiser différentes échelles d’analyse (locale, transnationale, multi-située, panarabe, etc.), ces journées d’études visent à mieux révéler les mondes politiques sociaux dans lesquels les fabricants d’art et les acteurs culturels s’inscrivent.

 

Organisation et retombées des journées d’étude

Ces journées d’étude s’adresseront tant aux doctorants, qu’à des jeunes chercheurs ou aux personnalités impliquées dans la thématique ; et il réunira à la fois des chercheurs en sciences sociales (anthropologie, économie politique, sociologie, science politique, histoire, géographie), mais aussi des artistes, des acteurs culturels et des fabricants d’arts. Il a vocation à créer des synergies nouvelles entre le monde de la recherche et de la culture, et à réunir des acteurs tant nationaux qu’internationaux. Partant de l’exploration anthropologique, historique, sociologique et économique des manifestations du politique dans les mondes de l’art arabe, notre journée d’étude participera à montrer la pluralité des approches et des méthodes mobilisées par les chercheurs et les acteurs culturels, pour explorer le « politique » au sens large et ce, dans une approche résolument internationale, puisque les acteurs concernés par ce projet sont issus d’Europe, du monde arabe, et au-delà.

 

Programme

 

22 novembre 2021 – MSH Paris Nord (Amphithéâtre) – La Plaine Saint-Denis


 

9h-9h45
Introduction
Mots d’accueil de Taher LABADI et Marion SLITINE

Conférence inaugurale :
Driss KSIKES (Ecrivain, chercheur en média et culture, HEM)
Pratiques artistiques et espaces publics : variations arabes

 

10h00-12h00 – Panel 1 « Politiques, financements et institutions »

 

Discutant  : Bruno Nassim ABOUDRAR (Paris 3)

Rasha SALTI (commissaire indépendante)
Promouvoir le cinéma arabe dans les festivals internationaux / Proche-Orient

Atlal BRAHIMI (EHESS)
Politiques, engagements et rapports de domination dans les arts visuels / Algérie

Sbeih SBEIH (Iremam)
Politiques culturelles, ONG et monde du développement / Palestine

Nacer KHEMIR (cinéaste, écrivain et peintre)
Un médiateur culturel du cinéma / Tunisie

 

13h30-15h30 – Panel 2 « Travail, filière de production et valeurs de l’art »

 

Discutante : Christine ITHURBIDE (CNRS, UMR Passages)

Youness ATBANE (artiste, performer)
Le marché de l’art arabe comme sujet artistique/ Maroc-Monde arabe

Océane SAILLY (Paris 3)
Diplomatie culturelle française dans le monde arabe / Emirats Arabes Unis

Amin MOGHADAM (Ryerson University)
Les « entrepreneurs culturels », le rôle des mobilités artistiques et les espaces cosmopolites à Dubaï 

Wadee HANANI (acteur et assistant réalisateur)
La fabrique d’un film, du jeu à la réalisation / Palestine

 

16h00-18h00 – Panel 3 « Territoires et circulations »

Discutante : Stéphanie LATTE ABDALLAH (CNRS, Ceri-Sciences Po)

Kaoutar HARCHI (essayiste et chercheuse)
Circulations des langues dans la littérature francophone algérienne / Algérie

Dunia AL-DAHHAN (Université Gustave Eiffel/ERC DREAM et co-fondatrice de l’Association “Portes Ouvertes sur l’Art” à Paris)
Ecrire l’histoire d’un centre culturel en péril. Le cas d’Al Boustan à Damas à partir des archives du film de

Rami FARAH
« A comedian in a Syrian Tragedy » et l’archivage audiovisuel d’autres activistes syriens / Syrie

Anne-Myriam ABDELHAK (Université de Paris, URMIS, IRD)
Investir la ville : Les territoires de l’art de rue / Maroc

 

25 novembre 2021 – La Vieille Charité (salle Le Miroir) – Marseille


 

18h00-20h00
Projection du film Our memory belongs to us

En présence du réalisateur, Rami FARAH et Cécile BOËX (EHESS)
Yadan, Odai et Rani sont réunis par Rami sur la scène d’une grande salle de spectacle. Ces trois Syriens exilés viennent de Deraa, l’épicentre de la contestation contre le régime de Bachar el-Assad. Rami projette sur grand écran les films qu’ils ont clandestinement tournés presque dix auparavant. Comment peut-on survivre à toute cette violence ? Par l’oubli ou la mémoire ?

 

26 novembre 2021 – Mucem (J4, Salon bleu/VIP) – Marseille


 

Entrée libre sur inscription : mucemlab@mucem.org
Voir le programme sur le site du MUCEM

9h00-9h45

Introduction
Mots d’accueil de Taher LABADI (IFPO) et Marion SLITINE (EHESS-CNE/MUCEM)

Conférence inaugurale
Franck MERMIER (IRIS, CNRS)
Espaces arabes de la culture : entre scènes panarabes, nationales et mondiales

 

10h00-12h00 – Panel 1 « Politiques, financements et institutions »

 

Discutante  : Giovanna TANZARELLA (iReMMO)

Adila LAIDI-HANIEH (directrice, Palestinian Museum)
Le Palestinan Museum : un travail de soutien aux artistes et de production de savoir dans un contexte colonial / Palestine

Julie KRETZSCHMAR (directrice artistique, « Les Rencontres à l’échelle »)
Retour sur le festival « Les Rencontres à l’échelle » / Monde arabe

Alia HAMDAN (Université ALBA, Beyrouth)
Politiques de danse et de chorégraphie / Liban

Célia HASSANI (Aix-Marseille Université)
Concevoir et définir la culture. Mobilisations pour le développement des politiques culturelles au Liban

 

14h00-16h00 – Panel 2 « Travail, filière de production et valeurs de l’art »

 

Discutante  : Aude FANLO (Mucem)

Morad MONTAZAMI (commissaire, chercheur, éditeur)
Travail éditorial et curatorial sur l’Ecole de Casablanca dans les années 1960-1970 et l’Ecole de Tétouan dans les années 1990-2000 / Maroc

Mathilde CHEVRE (éditrice jeunesse)
La fabrique de l’édition de littérature jeunesse franco-arabe / Liban-Monde arabe

Majd ABDELHAMID (artiste visuel)
Les frontières poreuses entre art et artisanat. Le cas de la broderie / Palestine-Liban

Liana SALEH (journaliste culturelle et présentatrice, France 24)
Fabriquer de l’information culturelle au quotidien / Monde arabe

 

16h15-18h15 – Panel 3 « Territoires et circulations »

 

Discutante  : Catherine MILLER (Iremam, CNRS)

Valérie JOUVE (photographe)
Photographier le territoire fragmenté / France-Palestine

Ashtar MUALLEM (circassienne, actrice, productrice)
Trajectoire d’une circassienne, du local au global / France-Palestine

Mathilde ROUXEL (Université Sorbonne Nouvelle)
Archiver et promouvoir le cinéma de Jocelyne Saab / Liban

Salima TENFICHE (Université de Paris)
Renouvellement des formes filmiques dans le cinéma algérien et dynamiques transnationales de co-production / Algérie

 

 

Image :  © Majd Abdelhamid, Pain Killers, 2010