Le paysage azuréen, une construction moderne (XIXe-XXe siècle) : journée d’étude organisée dans le cadre de l’exposition La Donation Kronberger, une invention du paysage azuréen au XIXe siècle, vendredi 11 octobre 2019, à Nice, par par la Ville de Nice en partenariat avec le Centre Norbert Elias UMR 8562, Avignon Université et le laboratoire de Recherche SIC.Lab Méditerranée, EA 3820, Université Côte d’Azur (UCA), Nice.

Lieu : Musée des Beaux-arts,  33 avenue des Baumettes, Nice
Horaires : 9h30-18h00

 

Programme

 

Accueil des participants (9h30)

 

Ouverture de la journée (10h-11h)

Discours du représentant de la ville

François Laquièze – Directeur de la Mission Nice Patrimoine Mondial
L’importance des représentations littéraires et artistiques de Nice dans la candidature pour l’inscription sur la Liste du patrimoine mondial. 

Une nouvelle forme de villégiature a été inventée à Nice à la fin du XVIIIe siècle, fondée sur deux composantes : la douceur du climat hivernal ensoleillé et un paysage nouveau associant la montagne et la mer. Mais, un paysage n’est jamais une perception directement produite par la nature, c’est toujours une construction culturelle.
« Littérature, peinture et paysages forment un ensemble indissociable ». (Anne Cauquelin – L’invention du paysage, 1989).
On trouve parmi les premiers hivernants eux-mêmes des peintres paysagistes. Très vite, ils sont aussi devenu commanditaires de travaux réalisés par des artistes locaux et c’est ainsi qu’a surgi une école de peintres paysagistes niçois au début du XIXe siècle. À partir de la fin du XIXe, Nice attirera aussi plusieurs grands noms de la peinture française puis internationale. La notoriété internationale de l’École de Nice, apparu à la fin du XXe siècle, marquera un nouveau tournant dans l’histoire artistique de la ville.

Michèle Perez – Commissaire de l’exposition La donation Kronberger, Une invention du paysage azuréen au XIXe siècle
Visite de l’exposition et présentation de la table ronde en relation avec l’exposition La Donation Kronberger, Une invention du paysage azuréen au XIXe siècle.

Johanne Lindskog – Directrice du musée des Beaux-arts
Mot de bienvenue

 

Session 1 (11h-12h)
La peinture de paysage à Nice

Présidence : Jean Davallon, Centre Norbert Elias, Avignon Université

Marie Dubrulle – Historienne de l’art, assistante de conservation à la Direction des musées d’Antibes
La peinture de paysage au XIXe siècle : la Côte d’Azur
De la fin du XVIIIe siècle au premier quart du XXe siècle, la peinture de paysage évolue considérablement : les naturalistes sortent de l’atelier et peignent en plein air. Le paysage se révèle état d’âme sous la palette des romantiques. Les recherches scientifiques de Newton inspirent les pointillistes. En grande partie grâce à l’arrivée du chemin de fer, le panorama de la Côte d’Azur devient source d’inspiration et refuge pour ceux qui fuient les contraintes mondaines et la grisaille de l’industrialisation. Tout au long du XIXe siècle et suivant la succession des styles picturaux, le paysage azuréen peint nous offre différentes conceptions de la liberté.

Jean-Paul Potron – Conservateur, Bibliothèque de Cessole
L’invention du paysage de la Riviera
Artistes sur les routes du Grand Tour, dessinateurs topographes, hivernants amateurs ont multiplié les vues de la Riviera lors de leurs déplacements. Certaines d’entre elles, éditées en gravures et lithographies, ont diffusé des représentations idylliques d’un Midi rêvé, comme autant d’appels au voyage. Avec le développement de la villégiature d’hiver sur la Riviera, les séjours d’aristocrates et grands bourgeois venus de toute l’Europe se multiplient. Dans leur sillage, des artistes viennent ouvrir des ateliers pour proposer des souvenirs pittoresques ou des éléments décoratifs de villas. Ils sont progressivement rejoints par des peintres de la région. Des cercles, des librairies exposent leurs œuvres achetées par les hivernants mais aussi par des notables locaux. Plusieurs d’entre eux se réunissent au sein d’une société des Amis des arts qui organise trois expositions niçoises dans les années 1850, consacrant ainsi le paysage de la Riviera.

 

Session 2 (14h30-16h)
Le devenir des images de la Côte d’Azur dans la littérature, les médias, le tourisme

Présidence : Isabelle Brianso, Centre Norbert Elias, Avignon Université

David Martens – KULeuven (Université de Louvain)
Un haut lieu de tourisme. La Côte d’Azur dans le portrait de pays
Durant l’entre-deux-guerres, et plus encore pendant les Trente Glorieuses, un genre méconnu fait l’objet d’un « boom » éditorial marquant dans le monde francophone. Sous forme de livres de photographies présentant des textes d’écrivains plus ou moins renommés, ces ouvrages de grand ou de moyen format et de demi-luxe, participent de l’essor de l’industrie du tourisme. Consacrant des volumes à de nombreux hauts lieux du tourisme hexagonal et mondial, ces volumes n’ont pas manqué d’accorder une place à la Provence et, au sein de ceux-ci, à la Côte d’Azur. Sachant que ces volumes visent à livrer l’identité des lieux qu’ils dépeignent, il s’agira de caractériser le portrait qu’ils dressent de la région et, notamment, de son rapport au tourisme.

Catherine Lavenir – Université de la Sorbonne nouvelle
Automobile, photos et perspectives
L’avènement du voyage et de l’excursion automobile, entre 1895 et 1939, modifie à la fois les usages du territoire et la perception des paysages. Sur la Côte d’Azur, les routes de corniche construites à l’usage des touristes conduisent les automobilistes dans des lieux (gorges, vallées, presqu’îles) que les touristes fréquentaient peu. Les « points de vue » que ménagent les nouvelles routes, parfois matérialisés par une aire de stationnement ou une table d’orientation, découvrent des perspectives à la fois nouvelles et classiques dans la mesure où sont valorisés les lieux d’où le territoire s’offre à la vue comme un tableau. L’analyse des articles parus dans la Revue du Touring Club de France et des photographies qui y sont associées permet de reconstituer le processus de construction de cette culture visuelle qui réinvestit dans une pratique nouvelle – le voyage automobile – une esthétique déjà formée.

Claire Scopsi – Laboratoire Dicen-IDF Cnam Paris (EA7339)
Présence des paysages de la Côte d’Azur dans les sites webs de particuliers
À partir d’une recherche dans l’iconographie et les commentaires des sites web (blogs et instagram) de particuliers (habitants ou visiteurs de la région niçoise), cette intervention s’interroge sur le sens à donner à la présence des paysages. Qui collectionne et donne à voir les photographies du paysage de la Côte d’Azur sur le web ? Quels sont les paysages privilégiés ? Que cherche-t-on à évoquer ? L’enjeu de cette recherche est de déterminer s’il est possible de lire dans ces représentations l’indice de l’attachement d’une population à son territoire, son appropriation, sa promotion et le souci de sa préservation.

Pause (15 mn)

 

Session 3 (16h15-17h45)
Les enjeux de la modification des paysages de la Côte d’Azur

Présidence : Linda Idjéraoui-Ravez, laboratoire SIC.Lab Méditerranée, Université Côte d’Azur, Nice

Thierry Paquot – professeur émérite des universités, philosophe de l’urbain Le paysage saisi par le touriste
Les représentations picturales, photographiques, cinématographiques de lieux fréquentés par les touristes influent sur les lieux eux-mêmes. Avec l’arrivée massive de touristes, les paysages se sont équipés pour satisfaire leur bien-être de citadins, au détriment de leur « authenticité ». Des monuments, des « vues » paysagères, des villes et villages tentent de ressembler à leur stéréotype façonné par les millions de clichés les concernant… Les architectures des aérogares, hôtels, musées adoptent des codes destinés avant tout aux touristes, quitte à s’uniformiser. Ce danger, d’une « touristification » des paysages, urbains en particulier, est dénoncé dès son apparition. En quoi le touriste est-il moins précautionneux envers les lieux qu’il visite que le voyageur ? Quels reproches étaient formulés par les autochtones, soucieux de préserver leurs paysages, aux touristes à la fin du XIXe siècle ? Et à présent que l’ailleurs s’estompe au profit d’un ici généralisé, le tout à l’aide du numérique, que faut-il en penser ? C’est tout le propos de cette intervention.

Thierry Fabre – IméRA, Institut d’études avancées Aix-Marseille Université
La Côte d’Azur et la Méditerranée. La querelle des représentations
La Côte d’Azur est plutôt née en hiver, dans le sillage du « Grand Tour » et à travers le regard et le désir de voyageurs de la haute société. Elle s’est maintenue sur une seule rive et s’est protégée de ceux qui « viennent du large », les Méditerranéens. La Méditerranée, de son côté, est plus industrieuse, avec par exemple les saint-simoniens qui les premiers ont inventé un « système de la Méditerranée » qui a vocation à réunir l’Orient et l’Occident dans un possible monde commun. Cette querelle des représentations qui oppose une rive à l’autre, la Provence et la Méditerranée, la Côte d’Azur à un monde étrange et qui a vocation à rester étranger, n’a pas cessé de se poursuivre jusqu’à aujourd’hui. Peut-on sortir d’une telle polarité et imaginer d’autres paysages, notamment humains ? Les formes artistiques contemporaines ouvrent-elles un chemin pour sortir de la peur et du repli ? La Côte d’Azur va t-elle continuer à tourner le dos à la Méditerranée ? Des retrouvailles, des traits d’union sont-ils encore possibles, pensables, souhaitables ? La querelle des représentations n’a sans doute pas dit son dernier mot.

Dominique Crozat – Université Paul Valéry Montpellier 3
La Côte d’Azur, de la production d’un standard paysager touristique devenu (presque) universel au « pays-paysage »
Construit par des peintres en villégiature puis largement diffusé par un art appliqué au service des entreprises touristiques, le paysage méditerranéen est, dès l’origine à la fin du XIXe siècle, un produit touristique. Ces œuvres vont fixer des codes toujours en vigueur malgré l’arrivée régulière sur le marché de nouvelles iconographies qui ont surtout pour conséquence d’élargir l’archétype original sans le remettre en cause. Dans ce contexte, la précocité de la Côte d’Azur comme son succès touristique va la positionner comme modèle dans un processus d’uniformisation des paysages. Ce discours paysager va également fortement performer et amener, tout au long de ce siècle et demi, une reconfiguration des paysages afin qu’ils se conforment à ces normes touristiques à vendre. Cela suscite la création d’un « pays-paysage », régulièrement élargi au gré des évolutions de la définition du paysage méditerranéen, où territoire / activité économique / patrimonialisation du paysage sont en constante interaction et où ce discours paysager est sensé guider les projets des acteurs.

 

Conclusions (17h45-18h)

Jean Davallon, Isabelle Brianso, Linda Idjéraoui-Ravez