Dans la littérature en sciences sociales sur les interconnexions au sein du Sud global, et tout particulièrement des relations entre la Chine et l’Afrique, l’étude des mobilités humaines a longtemps prévalu sur celle de la circulation de biens et marchandises. Les travaux se sont ainsi concentrés sur les acteurs de la « mondialisation par le bas », non sans quelques lectures réductrices ou misérabilistes, reléguant à l’arrière-plan « ce qui circule », les produits manufacturés asiatiques et leur inscription dans les sociétés africaines.

Croisant des approches issues du « material turn », des « thing-following studies » et de l’anthropologie de la globalisation, ce séminaire propose d’aborder les enjeux théoriques et empiriques d’une anthropologie globale des chaines d’approvisionnement et de valeur reliant la Chine à l’Afrique. Il sera alimenté par des travaux récents centrés sur les trajectoires « biographiques » de certaines marchandises caractérisées par une circulation à grande échelle et par les résultats d’une longue enquête multisituée à peine achevée, centrée sur la production, la commercialisation et les usages des motos de fabrication chinoise, marchandise qui incarne l’essor des relations commerciales entre l’Empire du Milieu et l’Afrique.

Au cours du séminaire, on examinera les itinéraires, les routes et les hubs (villes portuaires, foires internationales, districts industriels, zones franches, marchés frontaliers) de ces circulations, les configurations d’acteurs qui les animent, les infrastructures et les moyens de transport qu’elles utilisent, les formes de régulation qui les encadrent et leurs contournements. On s’intéressera également aux processus complexes de transformation, adaptation voire transfiguration affectant les marchandises étudiées au cours de leur circulation.

Par des aller-retours entre les lieux de conception, fabrication, exposition, distribution et consommation, et le croisement des regards et des pratiques observés tout au long de la chaine d’approvisionnement, on soulignera la forte interdépendance entre importateurs africains et fabricants chinois et les implications de ces formes de coprésence, voire de coproduction, pour notre compréhension de ce qui se joue aujourd’hui dans les nouvelles formes de coopération économique et industrielle au sein du Sud global, en termes de transformation des modes de consommation, des styles culturels, des manières d’entreprendre et des modèles de développement.

Nous aborderons également les problèmes, les potentialités et les ouvertures d’une ethnographie embrassant la totalité d’une chaine globale d’approvisionnement et de valeur. Traquer une marchandise globalisée morcelle le terrain entre un vaste répertoire d’acteurs, d’actants et de situations appartenant à des espaces sociaux et politiques transculturels et transnationaux et incite de ce fait à repenser la place des aires culturelles, les formes du comparatisme et l’exigence d’érudition qui leur est étroitement associée.

Coordination scientifique
Giorgio Blundo (CNE/EHESS)

Infos pratiques
Le séminaire a lieu à l’EHESS Campus Marseille, La Vieille Charité. En raison de la situation sanitaire, vous ne pourrez y accéder sans avoir préalablement écrit aux coordinateurs et reçu une confirmation de leur part.