Orphelin parmi les siens

Orphelin parmi les siens. L’expérience orpheline au prisme des solidarités familiales

Enquêtrice : Mylène Hernandez
Discipline : Anthropologie de la parenté
Post-doctorat CNRS : 14 mois (mars 2020 – avril 2021)
Laboratoire de rattachement : CNRS/CNE (UMR 8562)
Organisme financeur : Fondation Ocirp
Évaluation de l’éthique : CEEI/IRB00003888 / avis n°19-595 du 27 juin 2019

 

Présentation

Relevant apparemment de la sphère privée, le vécu des orphelins et leurs proches dans l’espace familial intéresse encore trop peu les recherches en sciences sociales et les politiques publiques. Il soulève pourtant des questions cruciales quant aux expériences subjectives, aux pratiques, aux besoins et aux ressources des orphelins et leurs proches. Dans une perspective d’anthropologie de la parenté pratique, cette recherche aborde l’orphelinage en tant que révélateur des formes d’obligations morales fondatrices des solidarités familiales.
Selon notre première hypothèse, l’étude des solidarités permet d’analyser, du point de vue de leur dynamique et modalités pratiques, les liens que les orphelins simples ou doubles entretiennent avec les différents membres de leur parentèle, de leur entrée dans l’orphelinage au début de leur vie adulte. Il s’agit au plan de l’enquête de prendre pour points d’observation et de comparaison trois domaines relationnels – les pratiques de maintien des liens (appels, visites, réunions familiales), d’entraide (matérielle, financière, temporelle, morale), la circulation des orphelins au sein de leur parentèle (l’accueil temporaire, à longs termes, l’accueil partagé) – et d’analyser qui ces pratiques impliquent prioritairement, au nom de quelles normes morales et/ou juridiques ou de quels motifs affectifs. Notre seconde hypothèse explore la façon dont les paramètres du genre et des conditions socio-économiques d’existence du parent survivant ou des membres de la parentèle, opèrent sur les dynamiques familiales de solidarité au bénéfice de l’orphelin. Une troisième hypothèse fait émerger les relations sœurs/frères comme des liens significatifs dans l’entourage des orphelins, dont nous étudions les modalités d’existence et les implications en termes de solidarités.
La méthodologie, qualitative, repose sur la réalisation d’une enquête empirique par entretiens biographiques non directifs auprès de quatre profils d’enquêtés : des adultes devenus orphelins avant l’âge de quinze ans ; des adultes à la tête d’une famille uniparentale ou recomposée suite au décès de leur conjoint/ex-conjoint ; des tuteurs légaux et des proches aidants issus de la parentèle de l’orphelin simple ou double. Le recueil d’entretiens, structuré à partir des trois hypothèses énoncées, vise à documenter trente situations sociales contemporaines d’orphelins et leurs proches.
Par l’entrée – celle des solidarités familiales – et les perspectives choisies, ce projet renouvelle les approches de l’orphelinage car il replace les orphelins dans leur parentèle. Il s’intéresse à une population peu investiguée par les recherches récences centrées sur les orphelins en milieu protégé. L’approche qualitative permet en outre de saisir l’expérience orpheline dans sa double dimension, singulière et relationnelle. Au plan théorique, ce projet concourt, par une problématisation anthropologique de l’expérience orpheline, à la structuration du champ des études de l’orphelinage. Au plan de ses applications, il participe à produire des données ethnographiques inédites à même de contribuer à sortir l’orphelinage de son invisibilité sociale et sociologique et des représentations sociales négatives qui l’enserrent. Il produit enfin des connaissances utiles à une prise en charge sociale plus pertinente des orphelins et leurs proches. Les résultats, d’intérêt public, sont voués à être transmis de manière adaptée et selon diverses modalités aux acteurs des champs académique et du travail social, et restitués aux personnes enquêtées et représentants associatifs.