Laure Mouchard soutiendra sa thèse en sociologie préparée sous la direction d’Emmanuel Pedler le vendredi 22 octobre 2021, 14h30, à l’EHESS Campus Marseille (La Vieille Charité). La soutenance se déroulera en présentiel. En raison du contexte sanitaire, la jauge sera réduite. Pour assister à la soutenance, se rapprocher de la candidate (mouchard.laure@gmail.com).

Titre
Politiques « d’origine ». L’administration des populations tsiganes en France de 1945 aux années 1980 : sociologie d’une entreprise collective d’aide, d’études et de gestion

Résumé
Ce travail de doctorat porte sur l’émergence en France, après la Seconde Guerre mondiale, d’un mouvement d’aide, d’études puis de gestion des populations tsiganes, engagé sous la forme associative et peu à peu institutionnalisé. Compris comme une « entreprise collective » dont la thèse s’attache à décrire la constitution puis le développement, ce mouvement a été peu documenté par la littérature scientifique consacrée aux « politiques tsiganes ». Celle-ci en effet s’est concentrée à renseigner des périodes identifiées par des interventions législatives – l’élaboration entre 1895 et 1912 du statut de nomade, sa réforme par la loi en 1969, l’instauration des lois Besson en 1990 et 2000 et l’émergence de la catégorie « gens du voyage » – ou les époques particulièrement dramatiques que constituèrent les Premières et Seconde Guerre mondiales durant lesquelles les populations assujetties au statut de nomade furent soumises, entre autres, à l’internement en France. Complétant cette histoire, cette thèse se donne pour objectif de saisir comment cette politique tsigane s’est poursuivie en France en-deçà du législatif. Prenant notamment pour matériau des archives non encore explorées, tant publiques que privées, ce travail documente cette entreprise collective de son émergence jusqu’à sa formalisation au sein Comité National d’action et d’Information sociales pour les  »Gens du voyage » et personnes d’origine Nomade (CNIN) et identifie les mondes qui s’y trouvèrent enrôlés ou convoqués (mondes scientifiques, du travail social, espaces de la militance catholique et groupements associatifs visant l’action sociale ou l’assistance, ministères et leurs administrations). La catégorisation, omniprésente dans les archives, de « nomade et d’origine nomade » fait l’objet d’une étude resserrée par l’exploration de deux enquêtes de portée nationale qui l’ont mobilisée et informée. Cette étude permet de rendre compte de la constitution, par des agents et corps de l’État, d’une mise en ordre racialisé du monde dans laquelle les populations ainsi catégorisées furent jugée inférieures et, partant, à « relever ». C’est à documenter l’élaboration des dispositifs particuliers que constituent les « villages tsiganes » et « terrains » ou « aires de stationnement » dans le courant des années 1960 qu’est consacrée la troisième partie de cette thèse. Ces dispositifs sont ici saisis et donnés à lire par des mises en récit de leur création qui en manifestent le caractère « expérimental » et « pilote ». Par des chronologies de traverses qui complexifient l’histoire jusqu’alors élaborée, le quatrième temps de la thèse est consacré à expliciter les dissensions qui se firent jour au sein ou aux entours de l’entreprise, et qui signent la singularisation de certaines voix ont été portées et des processus, tels que des enquêtes, qui les ont informées.

Mots clés
Sociologie ; politiques tsiganes ; entreprise collective ; problèmes publics ; France ; racalisation ; Études tsiganes ; CNIN

Title
The administration of Gypsy populations in France, from 1945 to the 1980s. Sociology of a collective enterprise

Abstract
This study focuses on the emergence of a movement to help and study Gypsy populations, which was initiated in the form of an association and gradually institutionalized after the Second World War in France. Here understood as a collective « enterprise » in the terms of Hughes, this movement has been scarcely documented by the scientific literature investigating « gypsy politics ». This literature has focused on historical periods identified by legislative interventions – the elaboration of the « nomad » status between 1895 and 1912, its reform by law in 1969, the introduction of the Besson’s laws in 1990 and 2000 and the emergence of the « Gens du voyage » category – or the particularly dramatic periods of the First and Second World Wars, during which the populations subject to the nomad status were liable to internment in France. This thesis complements this history and aims to understand how gypsy politics was implemented in France beyond its legal dimension, in a more day-to-day administration. It documents the collective enterprise from its emergence to its formalization within the Comité National d’action et d’Information sociales pour les  »Gens du voyage » et personnes d’origine Nomade (CNIN). It also provides information on the State’s and its administrations’ handling of what was then considered a « problem’ » and constitued as a « problem ».

Jury
Emmanuel Pedler (Centre Norbert Elias/EHESS) (directeur de thèse)
Sylvie Tissot, (Paris 8) (rapporteure)
Patrick Simon (INED) (rapporteur)
Axelle Brodiez-Dolino (Centre Norbert Elias/CNRS)
Alexis Spire (CNRS)

École doctorale
EHESS – Formation doctorale « Sciences sociales – Marseille » (École doctorale 286)
Spécialité : sociologie