L’exposition « Anthropologie en partage », issue du concours photo de l’Institut des sciences humaines et sociales (InSHS) du CNRS, est à Marseille. Les participants au salon Focus ont eu l’occasion de la découvrir au Mucem pendant quelques jours. Du 26 juin au 28 juillet 2023, elle sera présentée au Centre de documentation en sciences sociales à la Vieille Charité, Marseille.

L’Institut des sciences humaines et sociales (InSHS) du CNRS a lancé en 2022 un concours photo consacré aux images de terrain réalisées dans le champ de l’anthropologie sociale et culturelle. Une soixantaine de projets ont été reçus et évalués par un jury composé d’anthropologues, de professionnels de l’image et de membres issus du milieu associatif en anthropologie. Les qualités visuelles des images – esthétiques, documentaires, émotives – mais aussi la manière dont elles expriment la notion de partage en anthropologie, leur capacité à constituer des matériaux de et pour la recherche ainsi que leur dimension narrative, sont autant de critères sur lesquels le jury s’est appuyé.
Cette exposition met en lumière les seize projets sélectionnés par le jury, dont trois ont été récompensés par le Premier prix du jury, le Deuxième prix du jury et le Prix coup de cœur. Plus d’infos sur le site de l’InSHS…

Nous retenons particulièrement les travaux des membre du Centre Norbert Elias : l’enquête de Camilo Leon-Quijano (postdoc CNE/CNRS/Mucem) à Sarcelles, qui a reçu le premier prix du jury, et celle d’Umberto Cao (jeune docteur CNE/EHESS) dans le Chiapas.

 

Camilo Leon-Quijano, Une photo-ethnographie dans la cité, Sarcelles, France (2017)

Entre 2015 et 2018, j’ai mené une ethnographie photographique à Sarcelles, une ville moyenne située à quinze kilomètres au nord de Paris. Cette commune dispose de l’un des premiers et plus imposants grands ensembles de France. Si Sarcelles, « symbole de la ‘banlieue-dortoir’ », est très vite perçue comme l’emblème des utopies fonctionnalistes, elle est érigée par la suite au rang de dystopie urbaine. Depuis les années soixante, avec ses 60 000 habitantes et habitants, elle fait partie des lieux dont le fantasme est entretenu par des récits médiatiques, filmiques et photographiques. L’un des symboles de cette mythologie urbaine est la sarcellite, la supposée « pathologie » inhérente à la vie sociale dans les grands ensembles.
Dans ce contexte, j’ai exploré la manière dont les habitantes et habitants voient, se voient et veulent se montrer au travers d’une photo-ethnographie, une démarche peu mobilisée en anthropologie, qui permet d’étudier des phénomènes sociaux par la création, l’échange et la publicisation de photographies.
L’image est issue du suivi biographique de Maryse, une Sarcelloise qui, depuis 1969, vit dans une tour au cœur du Grand Ensemble. À partir de septembre 2017, je séjourne trois jours par semaine chez elle pendant un peu plus d’un an. Je photographie ses activités journalières et m’intéresse au rapport qu’elle entretient à son logement, à son quartier. Sur cette image, on la voit partager un moment de détente avec sa petite-fille Julie.

  • L’ouvrage issu de la thèse de Camilo Leon-Quijano, La Cité. Une anthropologie photographique, vient de paraitre aux Éditions de l’EHESS. Plus…
  • En 2022, il a présenté une exposition éponyme à la Maison de l’Architecture et de la Ville PACA à Marseille. Plus…

 

Umberto Cao – Nous sommes ce que nous cuisinons, État du Chiapas, Mexique (2016)

Cette photo, prise le 1er décembre 2016 dans le village de Candelaria (municipalité de San Cristóbal de las Casas, État du Chiapas, Mexique), représente trois générations de femmes indigènes Tzotzil. Elles portent les vêtements typiques de leur communauté et préparent un repas collectif pour une centaine de personnes à l’occasion d’un événement organisé par le mouvement de résistance civile Luz y Fuerza del Pueblo, pour lequel j’ai mené une enquête ethnographique entre 2015 et 2019. C’est un mouvement à composante essentiellement paysanne et indigène proposant des alternatives au modèle de développement, à l’idée de société et à la vision du monde qui caractérisent la modernité capitaliste.
L’événement en cours est un forum public au cours duquel des groupes et des organisations de la société civile se réunissent non seulement pour discuter et analyser les réformes constitutionnelles d’inspiration libérale mises en œuvre par le gouvernement de l’époque, mais aussi pour construire un front large et inclusif de résistance et d’opposition à elles.
Cet échange d’idées, de visions et de stratégies est nourri (littéralement) par les femmes du village d’accueil, tandis que les hommes mettent en place les installations et coordonnent la logistique de l’événement. Les conditions modestes de l’environnement dans lequel les femmes de la photo cuisinent témoignent de la profonde pauvreté qui caractérise le Chiapas et, en particulier, sa population indigène. Néanmoins, les femmes et les hommes du village ont partagé sans hésitation leurs (maigres) réserves de maïs, de haricots, de légumes et une vache élevée en commun, et ont offert leur temps, leur travail et leurs espaces, pour contribuer à ce qu’elles et ils considéraient comme une lutte pour le bien commun.

  • Umberto Cao a soutenu sa thèse (Centre Norbert Elias/EHESS) « Fighting For and Fighting Through Electricity : an Ethnography of the Civil Resistance Movement « Luz y Fuerza del Pueblo » from Chiapas, Mexico » en 2019. En accès libre sur HAL-SHS…
  • Son article “Márgenes en lucha por la centralidad. Electricidad y cosmovisiones indígenas en un movimiento de resistencia civil mexicano“ vient de paraître dans Nuevo Mundo Mundos Nuevos. En accès libre…

 

Les seize projets lauréats

  • Camilo Leon-Quijano (Centre Norbert Elias) : Une photo-ethnographie dans la cité – Premier Prix du jury ;
  • Sandrine Ruhlmann (Eco-anthropologie) : L’appel du bonheur – Deuxième Prix du jury ;
  • Mélissa Kodituwakku (Centre de Recherche et de Documentation sur l’Océanie) : Transmettre les gestes, 150 ans après l’oubli – Prix coup de cœur ;
  • Antoine Buquen (Laboratoire d’anthropologie sociale) : Le rituel en partage : la peinture corporelle dans la communauté Kaprankrere ;
  • Umberto Cao (Centre d’études et de recherche sur les services de santé et la qualité de vie) : Nous sommes ce que nous cuisinons ;
  • Romain Denimal (Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative) : Ce que disent les ombres ;
  • Julie Désert (Habiter le Monde) : Par-delà le partage de l’espace ;
  • Clément Jacquemoud (Groupe Sociétés, Religions, Laïcités) : Nourrir des mêmes mets. Les rituels saisonniers collectifs de la Voie blanche ;
  • Blanche Lacoste (Études du Contemporain en Littératures, Langues, Arts) : Un chœur, des femmes. Anthropologie d’une harmonie ;
  • Rubis Le Coq (Triangle : Actions, discours, pensée politique et économique) : Dé-partager ;
  • Marie Lecomte-Tilouine (Laboratoire d’anthropologie sociale) : Faire rire et partager son énergie vitale au Népal ;
  • Cyril Menta (Centro de Estudos Amerindios) : Mériter la protection des Dieux ;
  • Manoël Penicaud (Institut d’ethnologie méditerranéenne, européenne et comparative) : Le sacré en partage ;
  • Samuele Poletti (Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative) : Pentecostal miracles in a changing world ;
  • Dana Rappoport (Centre Asie du Sud-Est) : La musique en accord (île Atauro, Timor Oriental)​​​​​​​ ;
  • Vinícius Venancio (Laboratorio de Ethnologia em Contextos Africanos) : Partager les joies.

 

Informations pratiques

Du lundi 26 au vendredi 28 juillet 2022.
Centre de documentation en sciences sociales (Centre Norbert Elias/CNRS/EHESS)
La Vieille Charité, rue de la charité, 13002 Marseille, 1er étage.
Du mardi au vendredi, de 10h00 à 18h00.
Entrée libre.