L’approche communicationnelle du patrimoine est aujourd’hui partagée par les chercheurs en sciences humaines et sociales, elle a pour intérêt de permettre d’appréhender les objets patrimoniaux dans leur complexité sociale, politique et culturelle tout en prenant en compte leurs dimensions matérielle et symbolique.
Ce séminaire propose de mettre à l’épreuve les dynamiques de représentations des patrimoines en tant qu’enjeu d’attribution et d’appropriation d’une valeur patrimoniale. Par le croisement de regards de chercheurs en sciences humaines et sociales sur diverses formes de représentations des patrimoines, il vise une meilleure compréhension des processus d’élaboration, de circulation et d’interprétation de la valeur patrimoniale. Il s’inscrit dans les activités de la thématique « Culture : processus et formes » du Centre Norbert Elias.

Le séminaire a principalement lieu à Avignon Université, campus Hannah Arendt, amphi 2E08. Il est ouvert à tous.

Une visioconférence est prévue : https://bbb.univ-avignon.fr/b/ren-tfe-mjz

Programme des séances

 

Le patrimoine à travers trois recherches doctorales


30 septembre – 9h30-12h00 – Avignon Université, campus Hannah Arendt, amphi 2E08

Avec Allison Guiraud (Centre Norbert Elias/Avignon Université), Marion Parisis (Centre Norbert Elias/Avignon Université) et Jonathan Zurbach (LBNC/Avignon Université)
L’animation de cette séance sera assurée par Marie-Caroline Neuvillers (LCC/Avignon Université).

Intervention de Marion Parisis
Les planétariums numériques : environnements virtuels, fiction et médiation humaine
Résumé : Les planétariums ont connu une évolution technologique effrénée avec l’arrivée du numérique à partir des années 1980. Ce contexte, qui bouleverse la nature des séances proposées, génère chez les médiateurs des difficultés à s’approprier et à exploiter les potentialités de médiation permises par ces nouveaux outils : changer les perspectives, naviguer à des distances et des temporalités astronomiques, visualiser l’invisible. Les sociétés qui fournissent les systèmes numériques pour planétariums observent ce phénomène et tentent d’accompagner les médiateurs. C’est le cas de RSA COSMOS, une des entreprises leaders sur le marché de la conception d’équipements pour planétariums et structure d’accueil de cette thèse CIFRE. Elle conçoit un logiciel de planétarium sophistiqué, SkyExplorer. A partir de l’analyse sémio-scientifique des représentations visuelles d’objets célestes proposées par ce logiciel de planétarium, nous interrogeons la façon dont les médiateurs peuvent faciliter l’accès des publics aux savoirs astrophysiques. Quelles fonctionnalités permettent aux médiateurs d’exploiter ces représentations visuelles ? A quelles conditions les fonctionnalités du logiciel permettent-elles de révéler les concepts astrophysiques de ces représentations visuelles ?

Intervention de Jonathan Zurbach
L’UNESCO : une matrice d’intelligibilité pour l’institution des données en patrimoine scientifique des SHS
Résumé : En tant que « fabrique du patrimoine de l’humanité », les espaces intellectuels favorisés par l’UNESCO constituent une matrice d’intelligibilité privilégiée pour saisir l’élaboration et la mise en œuvre d’une logique de régulation patrimoniale appliquée aux données des SHS. À partir d’une analyse, d’une part, des recommandations normatives de l’UNESCO relatives à l’activité et aux productions scientifiques et, d’autre part, des articles publiés au sein de la Revue internationale des sciences sociales, éditée pendant un demi-siècle sous l’égide de l’UNESCO, nous montrerons comment, avec quelles conséquences communicationnelles et limites organisationnelles, les données ont été progressivement instituées en patrimoine scientifique des SHS, aux États-Unis comme en Europe, des années 1960 à nos jours.

Intervention d’Allison Guiraud
Un discours autour du patrimoine : le cas des industries du numérique
Résumé : Depuis les années 80, les moyens de communiquer, valoriser et exploiter le patrimoine se sont diversifiés, notamment grâce à l’essor des technologies informatiques et au soutien des politiques culturelles numériques. Désormais structuré en filière émergente au sein des industries culturelles, ce que l’on peut appeler le secteur du numérique patrimonial recouvre un ensemble hétérogène d’outils et de pratiques qui reconfigurent les rapports entre les professionnels de la culture, du tourisme et des industries du numérique. Les travaux antérieurs portant sur les imaginaires et les pratiques numériques au musée ont montré des phénomènes de standardisation et d’industrialisation de la production des outils de visite. Dans un fort contexte d’injonction au numérique, les entreprises occupent une place de plus en plus stratégique dans le développement des projets de médiation culturelle. À partir d’une enquête de terrain menée dans les salons professionnels dédiés aux entreprises de ce secteur, notre communication propose d’interroger la manière dont les entreprises du numérique s’approprient le discours sur le patrimoine. Nous nous intéresserons en particulier à un corpus de discours issus d’un concours de pitch et de conférences données dans le cadre d’un salon : quelle vision de la visite culturelle et quelle représentation du patrimoine sont proposées ? Sur quelles valeurs patrimoniales s’appuient ces discours ? Comment cohabitent les imaginaires du numérique et du patrimoine ?

 


Immersion dans la socio-histoire des musiques amplifiées à partir de l’expérience de onze expositions temporaires et de la création du Musée des musiques populaires (Mupop) de Montluçon

25 novembre – 10h00-12h00 – Marseille, La Vieille Charité (Salle A)

Avec Marc Touché (CNRS/MuCEM/Mupop)
Discutant : Jean-Christophe Sevin (CNE/Avignon Université)

A partir d’une expérience de sociologue-collecteur-muséographe au MNATP (Paris) devenu le MuCEM (Marseille) et au Mupop (Musée des musiques populaires de Montluçon), cette intervention abordera la création de nouvelles collections, de vitrines permanentes et d’expositions temporaires. Elles ont été réalisées à partir d’enquêtes inscrites dans la durée auprès de luthiers, musiciens, sonorisateurs, responsables de salles de concert… qui nourrissent une socio-histoire de la constitution de mondes des musiques electroamplifiées qui implique les notions de temps pionniers, de culture du potentiomètre, de décibelisme et de vibrationisme. Nous aborderons les difficultés de la mise en exposition des pratiques sonores qui leurs sont associées à partir de trois cas : la collecte et la restitution de l’intégralité d’un local punk-rock ; l’exposition  » Le virage électrique à Limoges » dans une salle de concert de cette ville ; l’exposition « Jazz et rock à l’assaut du bal populaire » à la médiathèque de Tulle.

 


Réappropriation patrimoniale : se représenter soi-même au musée

16 décembre – 10h00-12h00 – Avignon Université, campus Hannah Arendt, amphi 2E08

Avec Marion Bertin (Centre Norbert Elias/Avignon Université) et Julie Botte (CREHS/Université d’Artois)
Discutante : Allison Guiraud (Centre Norbert Elias/Avignon Université), avec l’assistance de Laure Roulet Marchis-Mouren (Centre Norbert Elias/Avignon Université)

Dans cette séance, nous proposons de porter un regard croisé sur des recherches en études de genre et en études post-coloniales. Les exemples abordés ont en commun de transformer le regard sur le patrimoine considéré comme universel et de contester les représentations établies. Dans nos deux cas d’étude, des femmes et des groupes autochtones océaniens reprennent la parole sur leurs patrimoines et nous invitent à repenser les hiérarchies de valeur.


La mission Patstec : un cas de patrimonialisation contemporaine

20 janvier – 10h00-12h00 – Avignon Université, campus Hannah Arendt, amphi 2E08

Avec Dominique Poulot (HiCSA/EHAAS/Paris 1)
Discutant : Eric Triquet (CNE/Avignon Université)

La commémoration cette année des vingt années de la Mission Patstec permet un retour historique sur les origines et le contexte de l’entreprise, sur les modalités de professionnalisation des hommes et des femmes qui y sont engagés, qu’il vaut la peine de rapprocher d’autres entreprises, nationales et internationales.
Institutionnellement, l’entreprise Patstec est distincte des musées, des bibliothèques, et des archives des départements, et est à replacer dans un contexte administratif complexe : la Mission nationale de sauvegarde du patrimoine scientifique et technique (PATSTEC) est implantée depuis 2019 dans la PICST (mission pour le patrimoine, l’information et la culture scientifique et technique) qui englobe le Musée des arts et métiers, la bibliothèque, les archives, et la mission réseaux et recherches. Le cas Patstec fournit d’excellents matériaux à l’histoire des phénomènes d’enquête et de collecte de patrimoines aujourd’hui, en combinant retour sur le travail scientifique, archivistique et démarche de patrimonialisation. Sa collection de données permet ainsi
d’articuler une réflexion sur la conservation concrète d’artefacts, en observant ses pratiques matérielles, son savoir organisationnel, son caractère « missionnaire » mais aussi les investissements d’amateurs qui lui sont liés afin de saisir la circulation et l’appréciation de l’information scientifique générale qui en découle ou qui s’en réclame, d’une part au sein de réseaux de communautés savantes et d’autre part dans des opérations de médiation en direction des publics. L’ensemble documentaire élaboré par la Mission Patstec revêt le caractère d’un portrait collectif des recherches françaises, de leurs acteurs et de leurs équipements, réalisé à travers le matériel présenté et valorisé dans différentes régions. La proximité avec d’autres formes d’iconographies inscrites au musée ou au sein d’encyclopédies et de revues savantes peut à cet égard être interrogée. De la sorte, le travail de Patstec s’inscrit dans une histoire de la médiation et de la communication scientifiques, qui va des bases de données pour spécialistes, professionnels ou amateurs chevronnés, et des publications dans les revues savantes, à la recherche d’un partage élargi voire d’une initiation généralisée.

 


Prendre des photos au musée

10 février – 10h00-12h00 – Avignon Université, campus Hannah Arendt, amphi 2E08

Avec Sébastien Appiotti (CELSA)
Discutante :  Marie-Caroline Neuvillers (Avignon Université)

Si la pratique photographique au musée n’est pas nouvelle, en l’espace de quelques années, les appareils photo compacts numériques puis les smartphones ont considérablement modifié le rapport à l’exposition par la pratique photographique. Certaines institutions en France s’en sont inquiétées, comme le prouve l’interdiction totale appliquée au musée d’Orsay. Dans d’autres lieux, les pratiques photographiques des visiteurs sont au contraire explicitement encouragées. Historiquement, deux visions s’affrontent autour des pratiques photographiques du public : la première présente positivement la photographie comme un droit légitime. L’autre la dépeint comme une entrave à la relation directe avec l’œuvre et la dévalorise en la présentant comme une pratique narcissique ou récréative. La complexité des tensions autour de ces questions au musée nécessite de les repenser au regard de l’évolution de la pratique photographique depuis le XIXe siècle. Sébastien Appiotti revient sur les conflits professionnels et de société autour de la photographie amateure au musée, mais aussi sur ces dispositifs qui cherchent à orienter le regard et les pratiques du public au sein des expositions, en particulier en lien avec les réseaux sociaux.

 


Le territoire, un acteur de séries télévisées ?

17 mars – 10h00-12h00 – Avignon Université, campus Hannah Arendt, amphi 2E08

Avec Patricia Jullia (Montpellier 3, LERASS)
Discutante : Laure Roulet (Marchis-Mouren)

Cette intervention présentera une recherche menée dans un cadre collectif à propos des séries quotidiennes tournées à Montpellier et ses alentours dans leur rapport au territoire. Nous traiterons plus précisément du « travail territorial » (Noyer, Raoul, 2011) de la série Un Si Grand Soleil (France 2). Nous nous intéressons aussi à deux autres séries quotidiennes tournées sur Sète (Demain nous apparient, TF1) et sur Saint-Laurent d’Aigouze (Ici tout commence, TF1). Nous cherchons à évaluer comment le contexte de production local fait du territoire un outil créatif, puis de la série un outil de placement du territoire et du patrimoine et inversement. Cela nous permettra alors de spécifier les mises en scènes du territoire à l’intersection des intentions de France Télévisions et des collectivités territoriales. Nous montrerons que la représentation du territoire alterne alors entre monde réel et monde imaginaire. À travers ce questionnement, il s’agit d’analyser l’hybridation entre l’espace diégétique de la série et les mises en récit « territorialisantes » qui en découlent. Le territoire est alors à considérer comme un actant de la série et non plus comme un simple décor.

 


La vie des objets de musée et la question de leur authenticité dans les discours d’exposition

14 avril – 14h30-16h30 – Avignon Université, campus Hannah Arendt, amphi 2E08
Avec Daniel Jacobi (Centre Norbert Elias/Avignon Université)
Discutante : Emilie Pamart

Dans les travaux sur les collections muséales ou patrimoniales, il y a une chose qui va de soi et qui ne mérite pas discussion : tous les objets de musée qu’ils soient catalogués, indexés ou exposés sont par définition authentiques. On sait pourtant que ce fait est contestable : certains professionnels ont pu se faire gruger par des revendeurs ou des intermédiaires douteux et avoir acquis des faux ou des copies grossières. Plus encore, les dons aux musées des collectionneurs privés lorsqu’ils n’ont pas d’héritier ou que ces derniers ne veulent pas prendre en charge ce fardeau, contiennent la plupart du temps des pièces très inégales car beaucoup de collectionneurs fonctionnent au coup de cœur et pas en obéissant à des critères scientifiques objectifs et indiscutables. Comme François Hartog l’a fait remarquer à propos du rapport des historiens avec le temps, l’authenticité serait l’impensé de la muséologie et du patrimoine. Comme elle va de soi, on la tient pour sûre et acquise… Et du coup on néglige de l’examiner. Seule l’actualité et en situation de crise la remet sur le devant de la scène et toujours, comme Hartog l’a démontré, en un présentisme qui efface le passé — qui discute l’authenticité d’une relique ? — et davantage encore le futur — comment des vestiges biologiques ou fragiles ou encore la production continue de l’Internet vont-ils pouvoir être transmis de génération en génération.

 


Comité scientifique
Marion Bertin (Centre Norbert Elias/Avignon Université)
Allison Guiraud  (Centre Norbert Elias/Avignon Université)
Yannick Hascoët (Centre Norbert Elias/Avignon Université)
Laure Roulet (Centre Norbert Elias/Avignon Université)
Lise Renaud (Centre Norbert Elias/Avignon Université)

Contact
lise.renaud@univ-avignon.fr