L’approche communicationnelle du patrimoine est aujourd’hui partagée par les chercheurs en sciences humaines et sociales, elle a pour intérêt de permettre d’appréhender les objets patrimoniaux dans leur complexité sociale, politique et culturelle tout en prenant en compte leurs dimensions matérielle et symbolique.
Ce séminaire propose de mettre à l’épreuve les dynamiques de représentations des patrimoines en tant qu’enjeu d’attribution et d’appropriation d’une valeur patrimoniale. Par le croisement de regards de chercheurs en sciences humaines et sociales sur diverses formes de représentations des patrimoines, ce séminaire vise une meilleure compréhension des processus d’élaboration, de circulation et d’interprétation de la valeur patrimoniale.

Le séminaire a lieu à Avignon Université, campus Hannah Arendt. Il est ouvert à tous.
Une visioconférence est prévue. La connexion se fait par un lien unique : https://bbb.univ-avignon.fr/b/ren-tfe-mjz

 

Programme des séances

 

24 septembre, 10h00-12h00
Ethnographie d’un tourisme paysager : l’engouement chinois pour la lavande provençale au XXIe siècle
Marjorie Ruggieri, docteure en anthropologie et ethnologie (Centre Norbert Elias/EHESS)
Discutante : Isabelle Brianso

Les circulations touristiques interrogent désormais au-delà du simple sujet de la promotion, de l’accueil et de l’hébergement des touristes. Lors de cette séance, je propose de questionner la construction de la lavande en tant qu’objet patrimonial, symbole provençal et attraction principale du tourisme paysager en Provence. Sur le plateau de Valensole, commune des Alpes-de-Haute-Provence, les paysages magnifiés depuis longtemps par les artistes, ont connu récemment une mise en lumière radicale impulsée par l’engouement du tourisme mondial. Depuis 2008, environ 60 000 touristes du monde chinois ont traversé chaque été le plateau de Valensole en période de floraison de la lavande. Les contacts entre les communautés d’accueil et ces touristes complexes ont mis en lumière des situations de tensions derrière cette carte postale idyllique. Cette thèse, par la diversité de ses méthodes, consistant en entretiens et en observations ethnographiques, mais aussi, de façon moins classique, en une prise de rôle comme guide touristique ou comme participante à des excursions étudiantes chinoises et une enquête complémentaire réalisée à Pékin, permet d’enrichir nos connaissances sur les représentations locales et touristiques d’un patrimoine et sur le tourisme chinois. Nous verrons ainsi « dans quelle mesure la circulation
chinoise, sur le plateau de Valensole, a apporté un nouvel éclairage sur le rapport au paysage et au patrimoine naturel immatériel ». Les méthodes mobilisées enrichies par une attention portée aux contenus discursifs des sites Internet, blogs, réseaux sociaux chinois et français, seront également discutés.
• Visioconférence uniquement : https://bbb.univ-avignon.fr/b/ren-tfe-mjz


 

9 décembre 2021, 14h00-16h00
Principes de patrimonialisation du cinéma et pouvoir d’agir
Michael Bourgatte, MCF-HDR (Institut Catholique de Paris)
Discutante : Marie-Caroline Neuvillers

Cette communication reviendra, en diachronie, sur la manière dont la question du patrimoine cinématographique a pris forme dans le temps long, d’abord au sein des milieux professionnels, ensuite dans les milieux amateurs en contexte numérique. Pour cela, le propos montrera combien la place donnée à la transmission d’une culture, de savoirs et de savoir-faire est centrale pour approcher la question patrimoniale dans le champ du cinéma.
La communication abordera tout d’abord les modalités institutionnelles de patrimonialisation du cinéma en France, notamment à travers le cinéma d’Art et Essai. Elle traitera ensuite de la patrimonialisation du cinéma par les amateurs en contexte numérique en évoquant le suédage. Enfin, elle questionnera la transmission d’une culture cinématographique grâce à l’outillage informatique par le biais d’une réflexion sur l’annotation audiovisuelle.
• Campus Hannah Arendt – salle 2E08, Avignon Université
• Visioconférence : https://bbb.univ-avignon.fr/b/ren-tfe-mjz


 

21 janvier 2022 (double séance)
10h00-12h00 – La muséologie critique
Judith Dehail (LESA/AMU)
Discutante : Emilie Pamart

Cette présentation abordera la question de la muséologie critique comme champ de recherche. On s’y intéressera plus spécifiquement au prisme du cas de la patrimonialisation (ou muséalisation) de la musique et des problèmes qu’elle soulève. Comme l’a montré une enquête menée dans deux musées différents, la transformation des instruments de musique en objets défonctionnalisés apparaît comme une fétichisation frustrante aux visiteurs de musée. Nous partirons de ce constat pour proposer une analyse critique des normes muséales.
• Campus Hannah Arendt – salle 2E04, Avignon Université
• Visioconférence : https://bbb.univ-avignon.fr/b/ren-tfe-mjz 

14h00-16h00 – Fantasmagorie de la culture muséale et puissance de l’agir ingénieur

Sarah Labelle (PR Université de Montpellier/LERASS)
Discutante : Lise Renaud

Accéder aux œuvres des musées grâce à la puissance technologique d’industries du web, acteurs du « capitalisme médiatique » (Jeanneret, 2014), met en lumière les processus d’industrialisation et leurs promesses. Cela interroge de façon vive les tensions entre médiation et médiatisation dans les prétentions communicationnelles autour des œuvres des musées. Ce travail propose une réflexion sur les formes informatisées d’exposition développées par différents acteurs : expositions dites « virtuelles », bases de données, jeux à partir de photographies, etc. Mais que voyons-nous et contemplons-nous au travers de l’écran de nos ordinateurs ? Comment ces médiations dispositives orientent et capturent notre regard ? L’analyse de diverses modalités expositives questionnera les conceptions logistiques de l’accès aux biens culturels et la constitution de l’écran comme espace d’un spectacle visuel constamment renouvelé grâce à la performance industrielle.
• Campus Hannah Arendt – salle 2E04, Avignon Université
• Visioconférence : https://bbb.univ-avignon.fr/b/ren-tfe-mjz


 

25 février 2022, 10h00-12h00
Visualisations numériques du patrimoine et réalité augmentée : fabrique de la réquisition, médiations créatives, enjeux de pouvoir et propriétarisation. Le cas de l’HistoPad
Pascal Bué (GRIPIC/CELSA)
Discutante : Allison Guiraud

Le château de Falaise, topique de l’architecture médiévale anglo-normande du XIe siècle, a fait l’objet de nombreuses restaurations visant à en restituer la dimension monumentale et architecturale. L’arrivée de la réalité augmentée à Falaise cadre avec l’entrée en vigueur du plan numérique « la Nouvelle France Industrielle » mis en place par l’État à la même période. Ces dispositifs numériques font désormais partie de la palette du professionnel de la muséographie. Ils promettent de renouveler les médiations et relations entre publics et musée (Andreacola, 2014), donnent accès aux collections ou restaurations d’un patrimoine oublié ou perdu. Cette coïncidence est l’occasion de comprendre que l’adoption de ces dispositifs de réalité augmentée par le secteur muséal et patrimonial correspond à une dynamique communicationnelle, dans laquelle les savoirs font l’objet d’une réquisition par les acteurs industriels (Labelle, 2007). Entre réquisition et fabrique de la réquisition (Bué, 2021), comment se construisent et se transforment les savoirs représentés une fois appréhendés par « le numérique » ? La reconstitution des médiations créatives (Gentès, 2008) entre ingénierie de conception et institution muséale est l’occasion d’observer des jeux de pouvoir et une prise de pouvoir du design d’interface, donc de l’ingénierie logicielle, sur le projet initial de médiation patrimoniale. Ces enjeux sont tels qu’on peut se demander dans quelle mesure ils ne participent pas d’un processus de propriétarisation de la part de l’ingénierie logicielle ?
• Campus Hannah Arendt – salle 2E04, Avignon Université
• Visioconférence : https://bbb.univ-avignon.fr/b/ren-tfe-mjz


 

18 mars 2022, 10h00-12h00
Patrimoine, témoignage : allers-retours. Le passage d’Hubert Viannay (1921-1944) au camp de Neue Bremm
Jacques Walter – CREM/Université de Lorraine
Discutant : Daniel Jacobi

À l’origine de cette intervention, une étude sur la dynamique patrimoniale, franco-allemande et atypique, d’un petit camp de la Gestapo méconnu : Neue Bremm en Sarre. Près de 2 500 résistants français ont transité par ce lieu avant d’être acheminés dans un « grand » camp. Nombre d’entre eux n’en sont pas revenus, parmi lesquels Hubert Viannay (1921-1944), membre du mouvement Défense de la France. Sur cette base, un parent du disparu contacte le chercheur pour en savoir plus sur la trajectoire de celui-ci. Cette rencontre fonctionne comme un stimulus testimonial. Une enquête permet alors de cerner les contours d’une mémoire largement modelée par une histoire de famille. Elle permet aussi de repérer comment la patrimonialisation fait retour sur d’autres lieux emblématiques, plus particulièrement en raison d’une proximité d’Hubert Viannay avec d’autres figures de la Résistance et de la déportation. En somme, cette exploration traversant plus de 75 ans d’histoire aide à comprendre comment, dans l’espace public et/ou privé, des représentations (architecturales, archivistiques, livresques, iconiques…) s’entrelacent et prennent sens.
Jacques Walter, Professeur des Universités émérite, est membre du Centre de recherche sur les médiations. Communication, langue, art, culture de l’Université de Lorraine et co-directeur de la revue Questions de communication. Ses travaux portent notamment sur les médiations mémorielles de la Résistance et de la déportation. Il pilote aussi une enquête au long cours sur la mémoire du 13-Novembre en Lorraine (2016-2028, CNRS/Inserm/Hésam).
• Campus Hannah Arendt – salle 2E04, Avignon Université
• Visioconférence : https://bbb.univ-avignon.fr/b/ren-tfe-mjz


 

15 avril 2022 (double séance)

10h00-12h00
La photo-ethnographie : expériences d’enquête
Camilo León-Quijano – CNRS/COESO – Centre Norbert Elias / La Fabrique des Écritures
Discutante : David Galli

Au croisement de plusieurs disciplines, la photo-ethnographie est une démarche d’enquête qui permet d’explorer les phénomènes sociaux au moyen d’une activité de création, de partage et de publicisation des images. Cette présentation part d’une expérience d’enquête en banlieue parisienne pour saisir les enjeux disciplinaires et méthodologiques qui ont façonné ce que j’ai nommé une « communauté imagée ». Suivant une démarche à la fois pragmatique et phénoménologique, cette présentation retrace l’usage des images au sein de ma recherche doctorale et s’intéresse au rapport entre la photographie et l’anthropologie.
• Campus Hannah Arendt – salle 2E04, Avignon Université
• Visioconférence : https://bbb.univ-avignon.fr/b/ren-tfe-mjz

14h00-16h00
La muséologie critique au prisme de la patrimonialisation de la musique et des instruments
Judith Dehail (AMU/LESA)
Discutante : Emilie Pamart
Cette présentation abordera la question de la muséologie critique comme champ de recherche. On s’y intéressera plus spécifiquement au prisme du cas de la patrimonialisation (ou muséalisation) de la musique et des problèmes qu’elle soulève. Comme l’a montré une enquête menée dans deux musées différents, la transformation des instruments de musique en objets défonctionnalisés apparaît comme une fétichisation frustrante aux visiteurs de musée. Nous partirons de ce constat pour proposer une analyse critique des normes muséales.
• Campus Hannah Arendt – salle 2E04, Avignon Université
• Visioconférence : https://bbb.univ-avignon.fr/b/ren-tfe-mjz


 

21 mai 2022 (double séance)

Caractériser les monuments funéraires « remarquables » : quelle place aux valeurs esthétiques ?
Eleni Demetriou – MESOPOLHIS (UMR 7064) CNRS, Aix-Marseille Université, Sciences Po Aix
Discutant : Eric Triquet

La protection du patrimoine funéraire repose sur l’étude d’une pluralité d’objets, pour aboutir à la sélection d’un nombre réduit de monuments et de sites, identifiés comme les plus « remarquables ».
La sélection de ce type de monuments s’appuie sur des discours argumentatifs, qui visent à justifier l’intérêt de protection d’un objet, en fonction de valeurs d’ordres divers, dont des valeurs esthétiques.
Nous présenterons des exemples de caractérisation de monuments situés au Premier cimetière d’Athènes, pour discuter du rôle des valeurs esthétiques à différents moments de ces opérations de sélection.
• Campus Hannah Arendt – salle 2E04, Avignon Université
• Visioconférence : https://bbb.univ-avignon.fr/b/ren-tfe-mjz

Le gouvernement des émotions patrimoniales. Étude à partir de l’exemple de le grotte Chauvet
Léa Maroufin – Université Grenoble Alpes, laboratoire Litt&arts, UMR 5316
Discutant : Eric Triquet

Les émotions patrimoniales sont habituellement présentées comme un répertoire d’actions utilisé par la société civile pour la reconnaissance et la préservation des objets du passé (Poulot [2006], Fabre [2013], Heinich [2012]). A l’inverse, l’action publique se bornerait à l’emploi d’un vocabulaire administratif qui, en tenant à bonne distance les affects, présenterait ainsi les preuves d’une gestion dépassionnée et “objective”. Pourtant, les agents de la fonction publique en charge de la gestion patrimoniale s’expriment également à certaines occasions par des discours empreints de terminologies affectives – l’incendie de Notre Dame de Paris en 2019 en a été un exemple particulièrement manifeste. A partir de l’exemple de la grotte Chauvet, cette présentation revient sur la manière dont les représentants de l’action publique (élus et agents de la fonction publique) utilisent le registre des émotions patrimoniales pour impliquer les acteurs locaux (entreprises, associations et habitants) dans la réalisation de nombreux projets en faveur du « développement territorial ».
• Campus Hannah Arendt – salle 2E04, Avignon Université
• Visioconférence : https://bbb.univ-avignon.fr/b/ren-tfe-mjz

 


Comité scientifique
Camille Béguin, Avignon Université, CNE
Isabelle Brianso, Avignon Université, CNE
Julie Deramond, Avignon Université, CNE
Lise Renaud, Avignon Université, CNE
Eric Triquet, Avignon Université, CNE

Contact
lise.renaud@univ-avignon.fr

Photo : Camilo Leon Quijano